Magazine Journal intime

Pas de fièvre.

Publié le 28 juin 2010 par M.
Je suis passée devant la fac où j'aurais du aller, tu sais aspirer à un grand avenir et tout le bordel, c'est celle là où je suis déjà entrée, un ou deux ou trois années avant, celle qui affiche : tu sens le mal être ? sur ses colonnes en béton blanchi. Combien d'époques ont défilé depuis tout ça. Je suis passée sur les quais et la péniche est toujours là, de toute façon elle ne bouge jamais, souvent quand je la vois je passe la main sur ma joue pour vérifier si le trou y est encore. Et lui non plus ne s'en va jamais. Je n'ai pas de conclusion nouvelle aux affaires déjà classées, j'essaie seulement de tromper l'ennui, d'aller tirer un coup ailleurs qu'avec la vie morne et trop chaude, mais il n'y a pas d'issue. Je m'emmerde moins au musée tu te rends compte, j'ai beau être comme une conne sur ma chaise à compter les lampions, je suis jamais vraiment seule, si je veux parler je change de salle, et sinon, je regarde les tableaux. Mais ici, tu veux que je regarde quoi ? L'indifférence caniculaire d'un début de semaine de presque juillet, l'écran qui finit par brûler les yeux, les livres que j'ai déjà lus et relus ? Même mes dessins n'ont pas de saveur quand il n'y a rien à vivre, et j'ai beau inventer, à force de compter les heures, ça finit invariablement sur une fausse note. Ou des insolations. Je n'arrive pas à me surprendre, je me laisse enfler, moisir, je ne suis pas de bonne compagnie pour moi même, pas longtemps, toi tu dis que tu pleures, et chez les autres, ça ne répond pas. Comment harponner quelqu'un à 23h43, par le hublot de mon rafiot surchauffé ? Y'a personne à la mer, aucun naufragé à recueillir, seulement des vieux mégots qui se dorent la panse au fond de la gouttière. Et puis quoi ? Et puis rien. Je crève de l'ongle les cloques dans la peinture, moi aussi regarde j'ai plein de cloques elles ne veulent pas s'en aller, si on y touche elles prolifèrent. Alors un jour ou deux j'essaie de leur foutre la paix mais elles m'énervent j'ai tout le temps envie de les zigouiller. J'ai toujours envie de buter plein de choses, mais c'est la plupart du temps rien que des petites bêtises. J'essaie de les brûler. Au soleil. J'aimerais que ça fasse disparaître beaucoup de choses mais ça ne fait que me roussir la peau, au final, ça sent même pas le brûlé. Je suis un peu déçue. Sur les rebords. Avec ma casquette de travers et mon ventre mou. Tu sais globalement ma vie ne m'amuse plus tellement mais elle fait gonfler le compte en banque alors je dois être contente, il paraît. Moi je trouve que ça vaut pas le coup de s'ennuyer autant et de ne plus parler à personne, sinon au gardien de l'immeuble qui me donne mon courrier où aux collègues de bientôt trois fois mon âge qui me font du pied sous la table, mais je n'ai pas envie qu'on me fasse la morale alors je fais exactement ce qu'il faut faire. J'ai l'air assez résignée quand même hein - ça s'en ira peut être avec l'été. C'est très différent de la rage humide qui fait serrer les dents pour ne rien laisser filer, non, je laisse juste les muscles de ma mâchoire roupiller gentiment. Et les jours s'empilent derrière les volets. Avec des sursauts joyeux, et puis le reste du temps une patine terne sur les rues et les murs, les couloirs du métro et mon escalier. Mon escalier si haut dans lequel je ne croise personne. C'est un peu comme si j'étais toute seule dans mon grand dirigeable, un petit point ronflant dans le ciel tellement bleu. Tout serait exactement comme je t'ai raconté l'autre soir sur le toit ; je ne poserai jamais et j'aurais de beau hameçons brillants au bout de cordes rêches, je me mettrais la race à l'eau de pluie et je pêcherais des pommes et puis les imprudents polissons qui ne marchent pas droit. Des fois je les balancerai dans l'océan. Il ferait nuit claire et on verrait la très jolie mer de cheminées qu'il y a en haut de Paris, sans les cris, sans la crasse triste et suante et laborieuse qui ternit les murs, les pavés. Mon escalier. Les révolutions m'intéressent à peine plus que la société qui s'encroûte. Le plus souvent, j'ai juste envie de commander kidnappez moi, faites moi sourire. Et puis quoi ? Et puis rien. C'est gratuit.

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