Magazine Journal intime

Hordelou (La fuyante inconnue > extrait)

Publié le 29 juin 2010 par Thywanek
Ne plus servir à rien. Ne plus être utile à quoi que ce soit. Penser que ce que j’entends ne m’est pas destiné mais ne fait que passer par moi pour joindre ce que mon soupçon et parfois mon espérance imagine par delà les hautaines profondeurs qui me délaissent. N’ont rien à faire de moi. Et qu’est-ce encore que penser cela.
Le décalque d’un tracé aux traits grisés qui se multiplie au dessus du réseau hérissé d’appels ou de cris ou de conversations que la distance étouffe, de claquements de portières dans la rue, de clameurs confuses dans des flaques de divertissements, de moteurs dont le dos du ronronnement émerge ça et là sous la fine couche d’une sérénité nue, tiède et mutique. Indifférente. Sans expression.
Des criaillements d’oiseaux hargneux font quelques éclaboussures. Des braillements, quelques tâches.
On brave de l’ennui, des fatigues, des énervements, en traînant dans les jeux d’ombres des appétits languides, des soifs d’entêtement.
Quelques uns, sur le dessin au graphisme de fusain qui émiette sa matière plumeuse, cherchent une autre marche. D’autre fils comme ceux-là, résidus de charbon, peut-être en sont. Sans efforts. Sans un geste. Sans un mot. Comme un peu mort pour se laisser emporter.
Cœur n’est plus pour moi, ô mon théâtre de rires drus. N’est plus à moi. Empilements de caisses, de boites et de meubles. De jardins et d’heures de départ. De quartz rectilignes aux boitements luminescents.
Scellé dans la pierre contre laquelle vomit perpétuellement la gueule rageuse du flot épais et souverain, d’un anneau de fer corrodé et qui plus que tout, depuis tous les débuts, signe la solitude et l’abandon de ce qui nous attend et ne nous a jamais vu arriver. A peine aperçu. Sous les toges dépenaillées de quelque fin de nuit.
Ou si nous arrivons et que cela nous voit, déjà nous avons cessé.
A la pointe de tout, d’autres auraient dit du monde, ton miroir tourné contre ton image déshabillée, vers le futur entrant dans sa surface liquéfiée, les yeux décolorés d’il y a mille ans, cent mille, une heure, seconde qui meurt et son essaim laborieux. Sans état d’âmes.
Un moment que tu crois brusquement arrêté. Déjà happé. Un brusque moment d’arrêt au couperet transparent. Et quoi d’éternité de toi qui se poursuit infiniment et indifféremment tiré des fureurs primitives.
Les frondaisons de pierres et de toitures noires se sont inclinées les une sur les autres au dessus de toi. Bouches béantes, têtes renversées, vides de son, mâchoires tombantes en pelle à ramasser tous les maux que les airs transportent, égout au fond duquel les travaux organiques mènent leurs puantes activités.
Tu comprends les pudeurs meurtrières à ne pouvoir s’ôter aucune part même morte. Défuntes hardes aux sanctuaires sublimes. Règnes aux arraches d’acier tendu prolongés de refaire en toute innocence d’écrins allongés en ligne dans des parcs dont la terre digestive transforme les grâces défaites ou avortées.
On ne s’assassinerait pas assez penses-tu.
Un fou à rire braqué dans la rainure du ciel entre les arrêtes comme une gaffe de trolleybus. Rien d’autres aux grains hérissés des pattes prises, chacun, dans sa toile collante, empêtrés dans ses fils chagrins. Pendant de filins de cuivre, de fréquences électroniques. Un intestin de ver qui fait sa guerre à même le trottoir.
Tu comprends les armes haïes et tu hais les combats vains jamais tentés.
Les destins ou leurs doublures qui pondent des perles informes dont se déparent toutes les vues jetées vers les illusions.
Patience quelquefois pitoyable de ce qui ne sera peut-être pas cueilli.
Tu comprends la fuyante. Tu interroges la pièce vide. Un rien qui naîtrait d’un instant d’égarement du temps. D’un hoquet. D’un craquement. D’une erreur de calcul. La semence d’une fleur d’oubli. La goutte d’une eau vierge. Un pleur lavé de tout cri.
Du côté inverse d’un certain jour tu considères de même la possibilité de redescendre dans la dépouille hagarde d’une histoire qui se serait débarrassée. Un double tueur. Délicat étrangleur. Orfèvre écorcheur. Méticuleux dépeceur. Esprit de chirurgien. Doux travail de couture aux aiguilles chercheuses.
Revenir en insu. Reconquérir le cours. Réinvestir la forme. Repartir d’un trait droit de crayon simple hors du fouillis damassé. Maigre ligne qui marche en enjambées étroites. Filigrane d’une voie qui ne demande rien.
La fuyante inconnue.

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