Celui qui console la veuve dont l’orphelin n’est plus / Celle qui badigeonne les costauds de mercurochrome / Ceux qui chantent en chœur sous les fenêtres de la maîtresse de piano en fin de vie / Celui qui porte la paralytique jusqu’à la rivière aux creux revigorants / Celle que L’Annonciation de Fra Angelico réjouit toujours autant même à l’état de repro minable / Ceux que le seul souvenir de leur mère apaise / Celui qui remonte la pente en se récitant divers poèmes / Celle qui se calme en se rappelant que c’est jour de visite / Ceux qui se font du bien au parloir / Celui qui fait des patiences avec la dame russe / Celle qui remonte la pendule des esseulés de la barre Saint-Ex aux escaliers délabrés / Ceux qui s’en tirent finalement sans tirer / Celui que revigore le spectacle de la rue en liesse / Celle qui ne pleure plus que pour les autres / Ceux qui se reconnaissent à la salle de lecture de la prison en dépit de tant d’années / Celui dont le seul timbre de la voix rend confiance aux accros de la Ligne de cœur / Celle qui se rend au bal des éclopés d’un bon pas quoique boitant bas / Ceux qui se satisfont de mieux faute de mieux / Celui que les lettres de sa marraine belge font tenir le coup au pavillon des cancéreux / Celle qui échappe à son voisin moitié chapon moitié hyène / Ceux qui trouvent en la poésie tout ce qui les dépasse / Celui qui reste debout quand il s’agenouille / Celle qui trouve son bonheur dans les sorties du Groupe Spirituel / Ceux qui ne se fient qu’aux poètes / Celui qui n’est à l’aise que dans l’énoncé des contradictions par l’Image / Celle qui estime que parole et parabole vont de pair / Ceux qui savent que biens de cendres ne leurrent que doigts de fumée / Celui qui se dirige aux étoiles même par temps dans sa cellule aux relents d’urine / Celle qui voit à son tour « les méduses du rêve aux robes dénouées » / Ceux que leur pessimisme rend encore plus gais / Celui que déprime la frime positive / Celle qui se purge de toute vanité en se trouvant si vaine qu’elle en sourit d’indulgence plénière ou quéchose comme ça / Ceux qui savent que la poésie est un art de l’être mais n’en font pas un plat, etc.
Image : Philip Seelen