Magazine Humeur

La crise sociale et la loi de gravitation universelle

Publié le 01 juillet 2010 par Hermas

Il existe, dans ce qu'on appelle le "Pôle Emploi" [c'est de mode : le monde officiel aime désormais à créer des "pôles", comme pour indiquer des orientations qui par ailleurs lui font défaut], différentes catégories, qui vont de A à E, selon une subtile division établie entre les demandeurs d'emplois. Ce saucissonnage permet aux pouvoirs publics de présenter à leur gré des chiffres moins défavorables, en s'en tenant à la première de ces catégories, la catégorie A, qui concerne exclusivement les demandeurs d’emploi inscrits à "Pôle emploi," qui, tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi, en cherchent un à plein temps et à durée indéterminée [cf. sur ce point le site chomist-land.com]. La prise en compte de l'ensemble de ces catégories permet de dégager un chiffre de plus de 4,5 millions de chômeurs en mai 2010.

Par ailleurs, le montant de la dette publique, qui atteignait plus de 77% du PIB fin 2009, pourrait atteindre, selon le propre aveu du gouvernement, 90 % en 2012. Dans son Rapport 2010, la Cour des comptes a souligné que ce déficit, qui n'est pas seulement dû à la "crise", mais aussi "à des décisions d’effet durable", "a entraîné le dépassement de tous les repères bâtis ces dernières années pour piloter les finances publiques". La noble et inutile institution, qui dénonce "la situation intenable de la trésorerie du régime général" de la Sécurité sociale et une augmentation sensible "de toutes les catégories d’administrations publiques", réitère ses avertissements, en soulignant avec force l'urgence de réformes, et celle de s'imposer "la question de la légitimité de toutes les dépenses publiques du pays".

Au-delà des analyses techniques, cela signifie crûment, sur fond de crise et de scandales divers [affaires Blanc, Boutin, Estrosi, Woerth, Rama Yade, etc. en attendant d'autres], que la gestion de ce pays est une gabegie et que ses gouvernants dilapident le fruit du travail des Français, durement affectés dans leur majorité tant par cette crise que par des politiques désastreuses.

C'est le temps pourtant choisi par le Président de la République pour acquérir pour ses seuls déplacements un indispensable Airbus A 330-200 [outre deux très luxueux Falcon 7x pour les besoins du gouvernement, en attendant la livraison de quatre Falcon 2000], certes d'occasion mais entièrement transformé comme on peut aisément l'imaginer, et qui aura pour le moment coûté la somme de 176 millions d'euros. Le coût total de renouvellement de ces appareils s'éléverait à quelque 300 millions d'euros, et le coût d'heure de vol de l'appareil présidentiel est estimé à la bagatelle de 20.000 euros.

C'est le temps aussi de la poudre aux yeux, par l'annonce de la supression, pour cette année, de la fameuse "traditionnelle garden-party" de l'Elysée [inventée par M. Giscard], "par souci d'exemplarité", selon M. Chatel. Rappelons que cette petite sauterie avait coûté plus de 730.000 euros l'an passé. Evidemment, on ne peut que se réjouir de ce "sacrifice", mais il est tout de même étonnant d'entendre présenter comme un acte de vertu la suppression de cette fantaisie mondaine, dispendieuse et inutile. Dans le même ordre d'idée, l'injonction faite  par M. Sarkozy au premier ministre que les dépenses privées des membres du gouvernement soient désormais prises en charges par leurs "deniers personnels" est très révélateur de pratiques jusque-là bien établies - à supposer qu'elles changent à présent.

Plus cocasse encore, M. Frédéric Lefebvre, pour nous montrer l'engagement décidé des pouvoirs publics, et de M. Sarkozy en particulier, dans cette voie vertueuse, vient de nous faire savoir - en sa qualité de porte-parole de l'UMP -  dans l'émission "Complément d'enquête", sur France 2, que le Président de la République, qui avait certes augmenté sa rémunération, on s'en souvient, de 170 %, va jusqu'à payer... son dentifrice... dans ses déplacements. Le propos est tellement ridicule qu'il laisse sans voix. Consigne ou zèle un peu trop débordant ?

Quoi qu'il en soit, et sur un registre beaucoup plus sérieux, les Français attendent de leurs gouvernants, quels qu'ils soient, qu'ils apportent enfin la démonstration réelle de leur engagement dans des comportements raisonnables et honnêtes. Est-ce trop exiger ? L'histoire a tout loisir, a posteriori, dans le calme recouvré, d'expliquer comment telles ou telles révoltes sont survenues et de disséquer leurs causes. Elle apporte souvent cette constatation étonnante que ceux qui ont amassé sur la société, en même temps qu'ils ont sapé ses fondements, des masses de raucune, d'indignations et de révolte, sont les premiers surpris de ce que ces dernières explosent, à l'image de ces parents pourrisseurs de leurs enfants que leurs dégringolades prennent de court : "On n'avait pas voulu ça...". Non, ils ne l'ont pas voulu, mais il existe une loi de gravitation universelle en ces matières, analogue à celle de la physique.

Puissent nos gouvernants de hâter de prendre conscience de ses lois.


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