Paris carnet de la patience 12

Publié le 03 juillet 2010 par Filippo Zanghi

Nouvelle visite de l'avenue de Messine, mais en Street View sur Google Maps:
L’avenue de Messine, à ses deux extrémités, est dissymétrique dans son bâti, du fait qu’elle se situe entre deux places où viennent converger plus de quatre rues ou boulevards ou avenues. Place de Rio de Janeiro, six segments se rejoignent; place du Pérou, cinq. Si l’on se place dos au portail qui donne accès au parc Monceau et que l'on regarde l’avenue de haut en bas, l’enfilade gauche des immeubles commence et se termine plus bas que celle de droite. Si l’on s’amuse à dénombrer les enseignes, commerces et autres habitations en progressant alternativement de haut en bas et de bas en haut, alors on doit commencer par dire qu’aux deux extrémités de l’avenue de Messine se trouvent le café Le Valois et la Banque Privée Européenne (BPE). Les deux places entre lesquelles s'étend l'avenue sont des places modestes: la première est un carrefour; la seconde n’a de place que le nom, à moins de considérer comme une pré-place, ou proto-place, les quatre ou cinq arbres formant triangle entre le côté droit de l’avenue (toujours en descendant) et le boulevard Haussmann. Si l’on prête attention au mobilier urbain, on ajoutera qu’à l’extrémité du bas, et juste devant la BPE, sont alignés les deux-roues d’une station Vélib. Bref, extrémités mises à part, et vue de haut, l’avenue est symétrique en ce qu’elle est formée de deux portions de longueur à peu près égale, séparées ou aboutées place de Narvik. Il faut noter encore que l’alignement des immeubles ne donne pas à l’avenue un caractère perspectif très marqué, du fait de la présence, sur toute sa longueur et se faisant face sur les deux trottoirs, de platanes [?] très hauts et très feuillus en cette saison. Enfin, l’avenue dispose d’un appendice homonyme, la rue de Messine, qui est une transversale formée de deux segments en L qui débouche rue du Docteur Lancereaux.
Tout le quartier est, au moins toponymiquement, très cosmopolite. De la place de Narvik, j’ai apprécié la rue de Téhéran, plus menue, plus proportionnée, plus noble à tout prendre que l’avenue de Messine.
L’avenue ne figure pas dans l’index du Routard (édition 2004). En revanche, sur Wikipédia, on trouve une page qui comporte une rubrique "Bâtiments remarquables et lieux de mémoire", où l’on apprend que la cinémathèque siégea de 1948 à 1955 avenue de Messine; les réalisateurs principaux de la Nouvelle vague y auraient fait connaissance. La source de ces informations est le livre d’André Becq de Fouquières, Mon Paris et mes Parisiens. II. Le quartier Monceau, Paris, Pierre Horay, 1954, dont la page 218 contient les lignes suivantes: "[L'avenue de Messine] était naguère patricienne, voire même un peu austère, avec ses hôtels sans sourire et ses grands immeubles solennels, guindés, et qui paraissaient tellement soucieux de respectabilité."
Dans À Rebours de Huysmans (ou peut-être dans un autre texte), on lit: "Le boulevard Saint-Germain, l’avenue de Messine s’imposent comme le type du Paris moderne; nous ne verrons bientôt plus que des rues rectilignes, coupées au cordeau, bordées de maisons glaciales [...], d’édifices plats et mornes dont l’aspect dégage un ennui atroce." Aujourd’hui, je suis certain que ces immeubles sont intouchables. Ils font partie du patrimoine. Ils ont délégué leur ennui - sans parler (aux yeux de beaucoup) de leur atrocité - aux tours et aux barres de la périphérie.

par Filippo Zanghì