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Les politiciens français : "plutôt corrompus"

Publié le 05 juillet 2010 par Hermas

Un sondage Viavoice paru ce lundi dans Libération indique que près des deux tiers des Français (64 %) considéreraient que les dirigeants politiques sont « plutôt corrompus », tandis que ceux qui les considèrent comme « plutôt honnêtes » n’atteindraient pas 30 %. En 1977, un sondage du même genre indiquait que l’opinion défavorable atteignait à peine 38 %. Un accroissement de chiffre qui traduit une évidente dégringolade de mœurs.

L’adverbe “plutôt” exprime une nuance intéressante : pas de certitude, non, mais une “inclination à penser que”. Pourquoi ? Parce que le mode de fonctionnement de la classe politique y porte. C’est comme un air qu’on respire, une impression globale, diffuse, une image d’ensemble que renvoie l’univers des “gouvernants” à celui des “gouvernés”, et illustré par des affaires successives.

Les gouvernants, aujourd’hui, sont ce qu’il est d’usage d’appeler des gens “de droite”. Selon le mécanisme imbécile inhérent à notre société, les gens dits “de gauche” en font dès lors leur beurre pour se donner des airs de Monsieur Propre. Mme Aubry, qui n’est gouvernante encore que du PS, dénonce ces « ministres qui ont oublié les exigences et les devoirs d'exemplarité qui vont avec leur charge ». Elle ajoute que la démocratie est « abîmée », parce qu’on a « l'impression au sommet de l'Etat qu'il y a un rapprochement permanent entre le monde politique et le monde de l'argent ». Ce n’est que trop vrai, il faut le lui concéder sans détour. Mais n’est-ce pas oublier un peu vite que des taux de sondage plus importants encore, relatifs à la corruption des gouvernants, avaient été enregistrés sous le gouvernement socialiste dans les années 1990 et le triomphe de la République des coquins ? S’il y a bien un parti, en France, avec l’UMP, que le miroir de ses pratiques devrait humblement dissuader de dénoncer chez les autres la collusion de l’argent et du pouvoir, c’est bien le PS.

Cette amnésie, néanmoins, est éclairante. Quand on parle de “corruption”, qu’elle soit dite “active” ou “passive”, on fait immédiatement référence à ce lien du pouvoir à l’argent, ce pouvoir que l’on se concilie ou que l’on conquiert par son intermédiaire. Cependant, cette corruption financière, ou matérielle, qui constitue un fléau dans le monde entier – malgré les détours et les subtilités cachées dont elle sait user – n’est qu’une corruption extérieure.

Elle n’aurait pas de raison d’être, pas de moteur, si ne la précédait une corruption de l’âme. C’est ce qu’indique d’ailleurs le Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, qui en indique à la fois les causes et les effets :


« Parmi les déformations du système démocratique, la corruption politique est une des plus graves car elle trahit à la fois les principes de la morale et les normes de la justice sociale; elle compromet le fonctionnement correct de l'État, en influant négativement sur le rapport entre les gouvernants et les gouvernés; elle introduit une méfiance croissante à l'égard des institutions publiques en causant une désaffection progressive des citoyens vis-à-vis de la politique et de ses représentants, ce qui entraîne l'affaiblissement des institutions. La corruption déforme à la racine le rôle des institutions représentatives, car elle les utilise comme un terrain d'échange politique entre requêtes clientélistes et prestations des gouvernants. De la sorte, les choix politiques favorisent les objectifs restreints de ceux qui possèdent les moyens de les influencer et empêchent la réalisation du bien commun de tous les citoyens (n° 411) »

Qu’il y ait au sommet de l’Etat, comme l’indique Mme Aubry, « rapprochement permanent entre le monde politique et le monde de l'argent », est-ce si étonnant ? La dénonciation est-elle naïve ou démagogique ? Veut-elle vraiment chercher à nous faire croire qu’il n’en serait pas ainsi en Socialie ? L’histoire ne plaide pas en faveur d’une telle thèse. L’argent appelle le pouvoir, et le pouvoir appelle l’argent. Les décisions de pouvoir sont souvent indissociables de l’argent et des gens d’argent. La question n’est pas là. Le problème ne naît pas du rapprochement de l’un et de l’autre, mais de leur hiérarchie. Cette question va plus loin que celle de savoir si tel ministre tire un intérêt financier personnel à telle opération qu’il ordonne, si celui-ci fait payer ses cigares par l’Etat, si celui-là reçoit une double rémunération pour des travaux qu’il fait faire par des sous-fifres, si tel autre loge sa petite famille aux frais des contribuables ou si tel autre encore, comme tant de fonctionnaires que la Cour des Comptes a maintes fois épinglés, de droite comme de gauche, fait passer ses vacances au soleil pour des missions professionnelles. Sans chercher à excuser ces comportements de voleurs en col blanc, ce sont là, par rapport à la question qui nous occupe, des éléments secondaires.

La question est une question de valeur. Peu importe, si l’on est inféodé moralement à l’argent qu’on le soit avec impudeur ou avec hypocrisie, avec ostentation ou avec dissimulation. Dans tous les cas, c’est la même servilité, que l’on observe d’ailleurs jusque dans des milieux catholiques “biens comme il faut”. On peut être aussi inféodé à l’argent par jalousie. La jalousie, en effet, révèle souvent le simple dépit de ne pas être à la place des voleurs pour en profiter soi-même, une sorte de contestation de la rupture d’égalité entre canailles.

Ce n’est pas une question spécifiquement de droite ou de gauche : les politiciens, comme aussi les citoyens, ont à s’interroger sur leur rapport à l’argent, pour savoir s’ils en font un serviteur ou un maître. Le gouvernement actuel n’est que la caricature du mauvais choix.


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