Rencontre

Narrateur Mickaël
_______J'avais envoyé une vingtaine de sms. J'avais appellé environ cinquante fois. J'avais laissé de longs messages sur son répondeur, jusqu'à en saturer la boîte. J'avais envoyé des mails à n'en plus finir. Mais Jill ne répondait pas.
_______Deux mois que je n'avais plus de nouvelles. Deux mois que chaque semaines, j'allais voir NOTRE fille. Deux mois qu'Emily grandissait à vu d'oeil. Deux mois que mes sentiments pour Jill avaient changés.
_______Je ne l'aimais plus. Voir ce qu'elle était devenue me repoussait presque. Rien qu'une junky rongée jusqu'aux os par sa came. Le chit, okay, c'était pas bien méchant. Mais l'héro et la coke, ça craignait. Elle était de plus en plus maigre, malgré son énorme ventre, et ses yeux rougis ne reflétaient plus rien. Pendant sa grossesse, j'avais pensé l'aimer, mais ce n'était que le lien qui nous unissait que j'amais: cet enfant, cette promesse divine. Moi qui n'avait jamais connu mes parents, chaque fois que je rendais visite à Emily, j'avais l'impression de lui faire connaître le bonheur que je n'avais jamais eu. Même si je n'étais pas assez bien pour elle, même si chaque fois que j'arrivais seul, les Smith, ses parents adoptifs, me demandaient "Elle n'est toujours pas là?". Et chaque fois je leur répondais non en souffrant le martyr. Malgré le fait qu'elle ne représente plus pour moi la même chose, elle reste cette fille un peu pommée qui m'a aidé à me relevé, Jill, ma meilleure amie. Nous sommes enfin sur la même longueur d'onde.
_______Chaque jour, pendant ces derniers mois que j'avais passés avec elle, je la voyais mourir un peu plus. Mourir de ne pas LE voir. Alex. Je l'avais méprisé, haï, détesté. J'execrais le simple fait qu'il existe, tout ça parce que je savais qu'elle l'aimait bien plus qu'elle ne pouvait m'aimer. Mais maintenant je comprenais que sans lui, elle n'aurait certainement pas survécu. Je comprenais qu'il avait été celui qui l'avait fait revivre. Sans lui, elle se serait pendu, ou elle se serait ouvert les veines depuis bien longtemps.
_______Ce matin, j'allai chez les Smith. Tout en changeant de métro, je collai mes écouteurs dans mes oreilles. C'était le vieil MP3 de Jill que j'avais retrouvé la semaine dernière entre deux coussins du canapé. Il était rempli de compos' à la guitare. Des compos d'Alex, apparemment. Il faut dire qu'il était doué. Parfois, la voix cristalline de Jill se mêlait à la musique, et alors ça devenait du génie. Je savais que c'était elle qui écrivait les paroles, elle avait toujours aimé écrire, et avait un certain don pour ça. Parfois, c'était si beau que j'en pleurais presque.
Parce que sans toi, rien n'est plus pareil,
Parce qu'avec toi tout m'émerveille,
Parce que sans toi ma vie n'a plus de sens,
Parce qu'avec toi, on se fou de ce que les autres pensent"
_______C'est avec les larmes aux yeux et ces dernières paroles dans la tête que je me suis posté sur le paillasson des Smith. C'est Cindy, la "mère" d'Emily, qui m'a ouvert. Elle m'a lancé un joyeux bonjour tout en m'accueillant, comme à son habitude. Ce qui n'était pas à son habitude, c'est de me dire:
- Il y a quelqu'un qui t'attend.
J'ai ouvert de grands yeux. Qui pouvait bien être ici? Ca ne pouvait pas être... Jill?