______Courir dans les rues du Bronx avec un flingue dans la poche, ç'était normal. Ici, chaque intersection était un coupe gorge, chaque ruelle un repaire pour trafiquants en tout genre, et se protéger était un souhait naturel. N'empêche, je ne pouvais pas m'empecher de tater avec nervosité l'arme métallique dissimulée sous mon sweet-shirt trop grand. Je retournais au bordel comme un évadé retourne à sa prison. Pendant les deux jours derniers, j'avais ressassé mon plan. J'avais essayé d'envisager toutes les éventualités, et franchement, il faut dire qu'il était pratiquement infaillible. Et surtout, je m'étais convaincue que c'était la seule solution. Je savais que s'il ne mourrait pas, je ne pourrais jamais vivre: c'était lui ou moi.
______Tout en courant, je ressassai les paroles de Nathaël l'autre soir:
- Je suis tellement désolé, tu sais. Je... Je peux pas Jill. Je peux pas partir avec le flingue de mon père, je peux même pas y penser. J'ai déjà pas mal de choses sur la conscience, je veux pas y ajouter un meurtre. En plus, si j'y vais, Paola risque de mourir. Je suis désolé...
______Je lui avais dit que ce n'était pas grave. Ca l'était, mais Nat était un garçon gentil. J'avais pris son flingue sans lui demander autre chose que de ne rien dire à personne. Pas question qu'Alex se lance dans l'aventure. Mickaël non plus, il n'avait pas plus de courage qu'une huitre. Maxime était déjà sur place, il ne pourrait pas m'aider. Quant à Simon, il n'avait rien à voir avec cette histoire. Alors j'étais partie seule.
______Arrivée à deux rues du Bordel, ma respiration s'est accélérée. J'ai vérifié que l'arme chargée était toujours coincée sous mon soutien-gorge, et j'ai accéléré le pas. Il faisait jour, il n'y aurait personne dans la rue. C'était le moment idéal pour me trainer devant la porte en faisant semblant d'être en manque et de vouloir revenir. Le Boss accepterait. Il accepterait aussi ma seconde proposition.
______C'est ainsi qu'à moitié affallée sur le perron, j'ai sonné à la porte. C'est Jake qui m'a ouvert, le brun qui sort avec Paola. Il a fait des yeux ronds, et j'ai murmurré:
- Va chercher le Boss, s'il te plait.
______Il n'a pas bronché, et il a courru dans son bureau. Le Boss est arrivé quelques secondes plus tard, a demandé à Jake de me porter sur l'un des canapé, a évacué toute la salle, et m'a demandé avec un sourire narquois:
- Alors, c'est notre jolie petite fugueuse? Comment ça va Jill, tes trois jours de vacances t'ont plus?
- Je suis désolée, me suis-je mise à pleurnicher. Je voulais... Je voulais vivre autre chose, mais dehors, c'est devenu si différent... Je veux revenir, JE VEUX REVENIR!
______On m'avait souvent dit que je jouais la comédie à merveille. Apparemment, c'était vrai, car le Boss afficha des yeux hésitants qui semblaient pencher en ma faveur.
- Tu sais que je pourrais très bien te laisser crever de manque dehors après ce que tu m'as fait, Jill?
- Je sais, je suis désolée, je ne recommencerais plus, c'est promis!
- La parole d'une droguée ne vaut pas grand chose quand elle est en manque.
- Faîtes moi confiance. S'il vous plait. Je ferais tout ce que vous voulez
______Cette fois, ses yeux flanchèrent, et je devinais que j'avais gagné. Pas seulement pour réintégrer le Bordel, mais aussi pour ma deuxième partie du plan. Comme nous étions seuls, il demanda:
- Tout, tu en es sûre?
- C'est promis, répondis-je.
- Alors je ne te demande qu'une chose: une nuit avec toi.
Heureusement, il ne vit pas mon sourire. Le plan était en marche.
Tes jours te sont comptés, très cher.
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