Quand on enseigne à l’école élémentaire le programme d’Histoire est relativement vaste puisque sur les trois années du cycle 3 (CE2/CM1/CM2) nous devons débuter notre étude depuis les premières traces de vie humaine pour aboutir à l’Euro : monnaie européenne en fin de CM2. Il faut tout avoir vu, tout avoir balayé depuis le bouillon de culture et l’émergence des premières formes de vie jusqu’à l’histoire actuelle de notre pays. Généralement les professeurs des écoles, selon leur intérêt propre pour ce domaine d’étude, tentent au maximum de se tenir au sacro-saint programme. Comme il n’y parviennent généralement pas il se déculpabilisent de deux manières selon leur place dans le cycle. Les collègues de CE2 qui se rendent compte mi juin qu’ils abordent à peine la Gaule celtique après avoir passé une année sur la Préhistoire, prient le ciel que leurs élèves tombent l’année suivante sur un passionné qui saura les mener magistralement depuis César jusqu’à la Révolution Française. Les autres pourront à tout loisir justifier de leur retard par les incompétences des collègues précédents qui n’ont pas su se dépêtrer des Cro-Magnons et leurs copains… Manque de bol pour moi je suis mes élèves tout le cycle 3 donc si le programme n’est pas tenu… ce ne peut-être que de ma faute à MOI. Jusqu’à présent, comme la plupart des mes collègues de CM2, parvenir jusqu’à l’étude de la seconde guerre mondiale avant le passage en 6ème de nos élèves me fait pousser des « Hip Hip Hourrah!! » de satisfaction rassurante… même si le programme indique encore quelques points récents qu’il aurait fallu avoir traités. Casse-tête et stress annuel jusqu’à une récente visite de l’inspecteur où ce fut la révélation : « Mais qu’est-ce qu’on a besoin de passer autant de temps sur la préhistoire alors que tout ce qu’on raconte aux gamins ne sont que des hypothèses de faits dont on est même pas sûrs…. patati patata ». Autant dire que suite à ce discours, mon nombre de séances liées à la préhistoires a été réduit au tiers et mon avancée dans le temps a fait un bond phénoménal. Ainsi l’année dernière j’ai pu goûter avec mes CM2 à mes premières séances post-seconde guerre mondiale.
Cette année comme nous étions encore mieux avancés, je me suis penchée plus sérieusement sur les points importants de notre histoire récente en me basant sur les excellents magazines pour enfant de la collection Mon Quotidien : Histoire de France et Histoire du Monde. Il me semblait important d’évoquer le thème de la décolonisation (puisque la colonisation avait été déjà traitée depuis les Grandes Découvertes et en prémices des premiers conflits mondiaux du XXe siècle.). Et là ce fut le gag. Le mauvais gag. Après une relecture attentive des programmes de l’école élémentaire 2008 impossible de trouver une évocation quelconque de la décolonisation. Quelle magnifique pirouette de mémoire sélective! A croire qu’on veut à tout jamais oublier cette volonté d’indépendance post seconde guerre mondiale de bien des peuples avec toutes les conséquences plus ou moins graves qu’on connaît. Quid de l’Indochine? Quid de la guerre d’Algérie? Quid de l’Afrique noire? Quid de Madagascar? Je me suis alors plongée sur les programmes précédents : ceux de 1995 et ceux de 2002. En 1995 on n’évoquait même pas les colonisations, au moins cela réduisait les risques qu’on soit tenter d’en reparler. En fait les pédagogues vous diront que ces thèmes sont évoqués de manière implicite. En 2002, prise de conscience peut-être, les voilà qui apparaissent de manière nettement plus significative dans les documents d’application des programmes. Depuis 2008 c’est de nouveau le flou artistique.
Hors la loi ou pas, cette année nous avons traité de la décolonisation avec les quelques moyens mis à notre disposition. Hélas ce n’est qu’il y a quelques jours que j’ai découvert via un article de Libération ce merveilleux livre audio, incroyable outil pédagogique. Destins croisés en terres africaines fait partie de ces objets qui ont un rôle primordial dans l’éducation des jeunes générations. Ce livre témoignages contribue au devoir de mémoire. L’indépendance des pays d’Afrique c’est encore tout récent : 50 ans à peine. La journaliste Sandrine Pacitto-Mathou a eu cette initiative remarquable d’aller à la rencontre d’une quarantaine de personnes : personnalités ou africains anonymes pour recueillir leurs témoignages basés sur leurs histoires personnelles. Ils donnent aussi leur point de vue concernant l’Histoire de leur pays et le rôle aussi bien positif que négatif de la France dans cette page de leur histoire, de notre histoire. Ces entretiens audio entrecoupés de morceaux et musiques traditionnelles peuvent être des documents essentiels pour compléter des séances de travail liées à la décolonisation. Il s’agit aussi d’un document précieux pour tous ceux qui s’intéressent à l’Afrique et ces populations qui ont su rester si proches de nous.
En écoute :
Premier extrait : sorte de bande-annonce du CD, mêlant témoignages courts et musiques traditionnelles.
Destins croisés en terres africaines by libelabo
Deuxième extrait : Le témoignage de Marie-Louise Potin Gueye qui est née à Dakar en septembre 1931. Ses parents, Charles Potin et Marie Bonnet étaient métis, tous les deux nés de mère noire et de père blanc. Descendante du roi Salmon Faye dans la lignée de sa mère, Marie-Louise Potin Gueye est une princesse Sérère. Elle épousera Doudou Gueye, homme politique et syndicaliste, grand ami d’Amadou Hampâté Bâ ainsi que de Félix Houphouet Boigny qui sera le premier président de Côte d’Ivoire.
Interview de Marie Louise Potin Gueye by libelabo
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