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LOOKING FOR BECKIE // Épisode 2

Publié le 13 juillet 2010 par Brunoh
Suite de la nouvelle de l'été (2/4)
LOOKING FOR BECKIE // Épisode 2
Tu habites la vallée de Chevreuse. Tous les plaisirs de la campagne, avec Paris à portée de RER. Tu préférerais vivre au centre de Paris.
Du moins, c’est ce que tu prétends. Tu dis que tu détestes ces pavillons proprets, ces rues impeccables. Tu penses que ça colle avec l’image de journaliste-bobo que tu essayes de cultiver. Tu mets sur le dos de Rebecca les choix qui ne collent pas avec cette image que tu aimerais donner de toi.
« - Beckie déteste la promiscuité, le bruit et les centre-ville ». « - Beckie a besoin de calme : nous avons acheté ici pour qu’elle puisse se ressourcer ».
Beckie : l’alibi de tes non-choix de vie. Pire : l’excuse de tes goûts petit-bourgeois.
Le pavillon, la voiture… Il manque le chien et les enfants pour que la panoplie soit complète. Mais Beckie est allergique aux poils d’animaux. Et à ta queue. Deux bonnes raisons pour que la panoplie demeure incomplète. Faute de parvenir à être un bobo épanoui, tu réussis à rester un petit bourgeois frustré. C’est déjà ça.
Le Burt Rosen de tes rêves vit quelque part dans le Marais, roule dans une Jaguar MKII de 1964, couleur lie de vin, un peu délavée. Il mène ses enquêtes dans les bars glauques, a ses entrées dans toutes les boîtes gay du quartier. Un indic lui a signalé, il y a peu, des mouvements de capitaux suffisamment louches pour mériter une enquête approfondie.
Et il a trouvé des trucs pas clairs en épluchant des relevés de comptes qu’il n’aurait jamais dû voir.
Là, on se rapproche de la vérité de Bart Rosen. Tu repenses au coup de fil que tu as reçu. Tu n’appelleras pas les flics. Tu iras au rendez-vous à l’heure convenue, station Jules Joffrin. Mais avant, tu vas aller trouver ton « indic » : un vieux pote de collège, qui bosse à Bercy, au ministère des finances. Juste histoire de comprendre qui, à part lui, est au courant de cette enquête. Et, surtout, quel est le lien avec Rebecca ?
Tu regardes machinalement par la fenêtre du salon.
Et tu vois ce mec, à l’allure bizarre, qui s’avance dans l’allée.
Tu cherches des yeux le renflement de sa veste : il est armé.
Pas la peine d’espérer qu’il loupe son coup, comme dans les films où les héros survivent à des dizaines de fusillades, sans la moindre égratignure.
Tu agis comme dans un rêve, dopé à l’adrénaline.
Tu va ouvrir en grand la porte vers l’arrière, histoire de faire croire à ton départ précipité, puis tu cours vers l’escalier.
Tu descends au garage.
Tu ouvres le coffre de ta voiture et tu t’enfermes dedans.
C’est con, mais au moins tu te sens en sécurité, comme dans un cocon.
Le type a forcé la porte d’entrée.
Tu l’as entendue céder.
Visiblement, il n’est pas là pour perdre son temps.
La porte arrière grande ouverte, ça pouvait marcher.
Sauf que tu entends déjà ses pas dans l’escalier qui mène au garage.
Bravo pour la supercherie à deux balles ! C’est clair : si tu t’en sors, tu brûles ta collection d’Harlan Coben en VO.
Depuis l’intérieur du coffre, tu fais basculer le dossier. Vive les voitures à hayon.
Tu t’allonges sur le plancher, à l’arrière. Tu retiens ton souffle. Tu lèves la tête et tu t’apprêtes à faire tes adieux, au cas où ton tueur serait en train de regarder par la vitre. Non. Tu l’entends fouiller. Il recherche quelque chose de précis. Et il sait que tu ranges tes dossiers au fond du garage, pour ne pas importuner Beckie, qui déteste le désordre.
Il est concentré sur des documents : ça te laisse encore quelques minutes.
Tu te glisses jusqu’au siège conducteur, en prenant soin de ne pas lever la tête au niveau des vitres. Et tu regrettes de ne pas avoir choisi l’option stretching à la salle de sport.
Maintenant, le dilemme : faut-il ou non activer la télécommande de la porte du garage ? Jusque-là, tu n’as jamais défoncé une porte, mais tu sais que les voitures bélier sont, le plus souvent, utilisées en marche arrière, pour ne pas endommager le moteur.
C’est fou les détails qui te reviennent en tête quand tu ne veux pas mourir.
Tu appuies sur le bouton, pestant contre la lenteur du mécanisme.
Chaque seconde te rapproche de la mort. C’est clair que le type a entendu le déclenchement, qu’il vient voir ce qui se passe. Peut-être même a-t-il déjà dégainé son arme ?
Tu oses sortir la tête au niveau du tableau de bord et du volant. La porte se trouve à mi-hauteur, un peu au dessus de la ligne du capot.
Tu glisses la clef dans le démarreur, tu débrayes.
Démarrage immédiat : heureusement, les voitures ne sont pas sensibles au stress.
Des pas se précipitent derrière toi.
Tu le sens approcher, plus que tu ne le vois ou l’entends.
Pas le temps d’attendre, de prendre le risque de le voir, pas envie de mourir comme ça. Démarrage en trombe, avec les pneus qui crissent.
Le toit de ta voiture heurte la porte du garage, qui vient cogner contre le plafond.
Tu émerges enfin à la lumière.
Toujours penché sur le volant, tu regardes par le rétro extérieur, le seul qui soit à la bonne hauteur. Tu vois le type qui court, dégaine (comme quoi, il est moins prévoyant que tu ne l’imaginais).
Tu ne prends pas le temps d’en regarder davantage.
Surtout, se concentrer sur la route.
Baisser la tête.
Prier pour qu’il n’éclate pas un pneu, ou le réservoir, ou ton crâne…
(à suivre...)

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