J’en ai vu des étoiles. Documentaire de Hichem.Ben Ammar 75 mn :
Si ce documentaire sorti en 2007 évoque l’histoire (récente) de la boxe en Tunisie grâce à nombres d’ intervenants (boxeurs amateurs ou professionnels, entraîneurs, arbitre…) il ne sombre jamais dans la facilité en s’attardant sur l’âge d’or de ce « noble art » mais au contraire nous explique sans complaisance à quel point ce sport importé par les colons a fait rêver quelques générations tout en les exploitant avant de les abandonner à leur sort.
La richesse de la recherche au long cours de Hichem Ben Ammar tient dans son obstination à parler de son pays au travers de corporations disparues dont il ne reste que des témoins d’une implacable dignité : des hommes qui en ont pris plein les dents, des hommes rudes car rudoyés, des hommes qui ont conservé de leur pratique une élégance incroyable tout en livrant leur vérité qu’on reçoit comme des uppercuts toujours bien placés. C’est au regard empathique du réalisateur que nous devons ce petit bijou documentaire qui se suit comme une fiction tant les personnages choisis révèlent toute la sincérité et la passion livrées dans un sport qui leur a tout pris et si peu rendu.
» Entre la grandeur et la décadence, il y a l’oubli » dit la femme d’un de ces boxeurs modestes qui n’a d’yeux, cinquante ans plus tard que pour celle qu’il aime comme au premier jour. Impossible de relever toutes les pépites de ce film ; chaque intervenant, si on le sent réticent au début, finit par lâcher sa vérité comme s’il était à nouveau sur un ring, le pré carré où il ne fait pas bon tricher. C’est le cœur du doc dans lequel finalement la boxe n’est que le formidable révélateur de la société tunisienne.
Jusqu’au début du XXème siècle, le sport originel était la lutte gréco-romaine ( la « grèche »)et les tunisiens ont émis quelques réticences avant de monter sur le ring mais la Tunisie est vite devenue une mine pour des milliers de jeunes loups enragés qui ont vu en elle un moyen de s’en sortir. Bien avant que les intellectuels n’abordent l’idée d’une émancipation, ce sont les boxeurs qui s’en sont emparée en rendant au nom de leur peuple les coups qu’ils encaissaient. Au début, ils ne sont vus que comme de vulgaires sacs d’entraînement mais très vite ils acquièrent une technique qui transcende une philosophie qui ne dit pas son nom mais qui s’inscrit sur leur gueules amochées, leurs nez cassés : c’est la liberté qui ne fera que passer….
Ces « vedettes » qui ont frayé avec les malfrats au grand cœur « parce qu’ils se montrent humains », les proxénètes, les voyous, les patrons, conservent leurs costumes taillés sur mesure dans une vieille penderie, c’est tout ce qu’il reste de ce parcours elliptique.
Pour chacun des protagonistes on pourrait écrire un roman, mais c’est à l’apparition de l’ami Farouk qui découvre, visiblement très ému, que la salle de sport mythique où il s’entraînait est désormais à l’abandon, qu’on aimerait en savoir davantage. Parce qu’il est venu en France, qu’il est devenu châtelain ( !)) et qu’il parle de sa passion comme d’une maîtresse adorée. Il est encore fringant et porte beau son costume sur lequel est jeté un manteau qui met en valeur sa carrure d’athlète. Il a connu une « pute au grand cœur » et l’a aimée, même bossue, s’est fait « adopter » par un mécène qui l’a considéré comme son propre fils mais Farouk, qui est également le documentariste de ce film conserve sa part de mystère. Petit serrement de cœur lorsqu’il tient entre les doigts une de ces cigarettes qu’il ne peut plus fumer désormais….
Je l’ai « connu » sur un site littéraire où il écrivait des chroniques sur son sport, sur les grands matchs du siècle qui passaient alors par la Tunisie, sur les grands boxeurs qui s’y sont révélés et j’espère qu’il écrira son histoire avec la même verve, le même swing car le peu qu’il dit de lui dans ce doc donne à penser qu’il n’a pas raccroché les gants.
Merci à toi Farouk de m’avoir fait connaitre l’excellent travail de ton compatriote Hichem Ben Ammar.
http://www.france24.com/fr/20081002-boxe-tunisie-film-hichem-ben-ammar-cineaste-champion-independance