Voit la fleur exhortée sous la lune glaciale
Soudain crachant du fond de sa gorge cruciale
Stridentes étincelles jetées au néant
Les derniers mots conçus en un terreau puant.
Soudain comme une panse gonflée d'avortons
Pressés en grappes molles d’inaudibles sons
Qu'aurait multipliées trop de clameurs fécondes
Avant de les enfouir pour les soustraire au monde.
Soudain comme un hoquet surgi d’un ventre énorme
Lâchant en gargouillis au bout d’un tube informe
Mille petits cadavres au ciel propulsés
Bulles brisées dans l’air de leur cris convulsés.
Voit la fleur exhortée sur son bulbe pourri
Que trop d’horizons sourds ont cru avoir nourri
Réfugiée sur le flanc d’un paysage en fuite
Dans un trou de marais où la peur l’a conduite.
Que trop la cadence à tous âges opprimés
La scansion funéraire sur le sang brimé
Balancier d’une loque entre des bords murés
A contraint aux parades pour pouvoir durer.
Que trop les psaumes froids des oracles blanchis
Mécaniques prophètes aux voix dégrossies
Exonérés de l’âme et du pouvoir des morts
Ont contraint au spectacle de crasseux remords.
Voit la fleur exhortée hors son fort angoissé
Etaler de sa foi en doublures froissées
Les robes élimées qui vêtaient sur la scène
La comique vertu et le tragique obscène.
Etaler de sa foi des remugles boueux
Dont l’élégant apprêt d’un bord gélatineux
Tient déjà l’or premier avant qu’il ne devienne
De fortune de tout la fortune des hyènes.
Etaler de sa foi les lambeaux compromis
A tresser dans le nerf du tangent insoumis
Les courants policés aux gracieux artifices
A la chaîne vomis par des hydres offices.
Voit la fleur exhortée à mourir d’elle-même.
A genoux voit la fleur et sent le néant blême
Remonter de sa source en chaos sporadiques
Rampant d’une torpeur aux anneaux liturgiques.
A genoux voit la fleur où l’étau se resserre
Comme la faim avale en elle l’univers
Laissant la rage folle aux mains de barbelés
N’être plus même un mot qu’on pourrait épeler.
A genoux voit la fleur et dans la nuit criante
Entends ses sœurs faner et leurs cendres brillantes
Au livre s’arracher, de la parole fuir,
Et la lune glaciale indifférente, luire.