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Je suis une tueuse

Publié le 19 juillet 2010 par Theclelescinqt

Je suis une tueuse

Vous prenez une gentille petite jeune fille qui rêve d'avoir des enfants et qui sort de plusieurs années d'histoire et de lettres, vous la mariez, lui faites faire des rejetons, la laissez mariner et s'essouffler presque dix ans au foyer, la laissez tenir un blog duquel s'échappe la vapeur, puis la relâchez d'un coup dans le vaste monde du travail et la regardez s'évaporer d'un coup sec la regardez rayer le parquet et faire ce pour quoi elle est programmée apparemment depuis bien longtemps : déblayer le plancher.

J'en suis à mon deuxième job en neuf mois et pour l'instant, malgré une fatigue assez intense qui me change en mollusque canapéen chaque week-end, et qui me fait dire assez souvent que je ne suis pas une très bonne mère (mais est-on jamais une bonne mère ?), je n'ai pas cessé de gagner plus et d'engager immédiatement des bras de fer échevelés avec les responsables qui m'échéaient.

Ceux que je croise (car je travaille près de mon premier job, à 10 minutes à pieds de chez moi, faut pas pousser) me tournent le dos, à la limite de l'impolitesse, comme mon Blaise Duchmol. Ils m'ont traitée comme des manches : je leur ai fait coller des C en "management d'équipe", fort mérités de surcroît. Il paraît qu'ils avaient peur que je leur pique leur job. C'est vrai, six mois d'expérience, ça vous forme un cadre en n'importe quoi !!

Nouveau job, travail en binôme avec une dame qui a 20 ans d'expérience. Gentille, pas de lien hiérarchique : j'étais censée travailler en équipe pour moi, faire la petite main pour elle. J'ai tenu deux mois comme une marionnette, puis ai pété un câble, et ai tout déballé à la première occasion auprès du DG : mon absence totale d'autonomie, mon ennui, un rythme de travail à la limite de l'endormissement. Résultat j'ai récupéré la moitié des responsabilités de cette dame, qui ne s'en remet pas.

Alors, question pertinente pour moi ce soir : suis-je une tueuse ? Ou une brave fille qui va rencontrer "l'épanouissement professionnel" ? 

Ou une mère de famille qui va se retrouver dare-dare dans sa cuisine à faire des confitures de groseille ?

La nouvelle DRH est légèrement plus jeune que moi. Sûrement le même nombre approximatif d'années d'études, mais elle ne s'est pas arrêtée, elle.

Et elle n'a qu'un enfant, elle (qu'elle n'a pas vu beaucoup, me diront les bonnes âmes).

N'empêche, il s'avère qu'au bout du compte je ne sais pas en combien d'années je vais pouvoir rattraper l'écart responsabilités-salaire qui actuellement a la taille d'un gouffre entre nous.

Si je le rattrape jamais.

Et bientôt elle n'aura pas le temps d'en faire trois de plus, au cas où l'idée la prendrait.

Quels choix stupides.


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