Ruptures

Publié le 20 juillet 2010 par Didier T.
Il m'avait emmenée dans un palace près de la Madeleine à Paris. Il avait envie de me sauter sans doute. Je le savais mais ce soir-là je n'avais pas l'intention de me laisser faire.On a commencé par dîner. Il a badiné un peu. Je n'étais pas très à l'aise ce qui le rendait nerveux. J'étais là, à me dire, que ces fauteuils sont moelleux et confortables, pendant que lui il parlait ; enfin, disons, qu'il me posait des questions auxquelles je ne répondais pas parce que je n'avais pas la tête à me concentrer sur des questions et des réponses. Et puis je me suis raisonnée, j'ai fait un effort pour me concentrer sur la conversation et j'ai planté mes yeux dans les siens, façon de lui dire "vas-y, je suis prête, je t'écoute", en fait, dans ma tête, je me disais "je n'ai qu'à faire comme avec les clients, ne surtout pas parler car ce serait montrer que je ne sais rien, écouter seulement, noter les choses importantes pour qu'ils aient le sentiment que je comprends leur problème et que je vais les aider, forcément, à le résoudre".Et cette stratégie a marché au-delà de mes espérances. Il a cessé de badiner et de me poser des questions et il m'a parlé de ses enfants et de sa femme depuis sept ans. Moi dans cette histoire, je comprenais que j'étais la maîtresse, celle qu'on saute et puis après ? Il a commencé à me parler de lui et de moi. Sauf que lui il avait deux enfants déjà (et sa deuxième femme était enceinte de leur deuxième enfant mais il ne me l'avait pas dit, ça). Moi j'étais complètement paniquée par ses deux enfants de deux femmes différentes. Moi je n'avais pas trente ans. Je n'avais aucune idée de comment on gère les ex-femmes et de comment on gère les beaux-enfants. Sur les photos, je n'arrivais pas à les trouver trop chou ou trop mimi. Je voyais des monstres, des êtres vivants embarrassants, je ne voyais pas bien comment, moi qui aie peur d'avoir un enfant à moi qui viendrait de mon ventre, je gérerai des enfants un week-end sur deux. Ce n'était pas possible, je le savais.J'avais déjà parlé de la situation avec ma mère qui m'avait dit, contre toute attente, "mais tu n'y peux rien, tu t'y feras, c'est comme ça, on ne choisit pas le passé des hommes qu'on aime". Je lui en ai voulu de m'encourager dans cette voie que je trouvais sans issue. Je n'arrêtais pas de me répéter qu'elle devait vraiment avoir envie de me caser pour ne pas être déçue du cv de cet homme. Mon père, à contre courant de sa femme et qui tenait pour une fois à exprimer son opinion en toute indépendance sans la laisser gérer ces choses à sa place, m'a dit "laisse tomber".Alors ce soir-là, je n'ai pas écouté ma mère.J'ai dit à cet homme, le premier qui retraversait ma vie après bien des déboires amoureux et hystériques, qu'il était préférable qu'il reste avec sa femme. Il a bu le reste de la bouteille de Bourgogne d'un trait. Je ne lui ai pas dit comme je l'écris ici. J'ai choisi les mots les plus doux possibles, j'ai vraiment tout fait pour être délicate, parce que je ne voulais pas qu'il croit que je le jugeais - au nom de quoi je le ferais d'ailleurs- c'est juste que traverser des continents pour un homme, je peux, accepter les enfants d'une autre, je ne peux pas. Pas assez forte.Jamais il ne m'a pardonnée, j'en suis certaine.Il est toujours avec sa femme.Il lui dit qu'il l'aime.Peut-être.Peut-être plus vraiment.Est-ce qu'un jour, une autre, plus aventureuse, ou plus amoureuse tout simplement, sera prête à sauter le pas ? Et lui le sautera t-il vraiment ? Comment on annonce à sa femme depuis dix ans, qu'on la quitte ?
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu