http://www.vivre-a-chalon.com/lire_CHALON-_-Adoptez-une-toile-de-Cecile-DM,23035d3fabb8cd30fbef5b0cf3402251455a9b56.html
Mon interview sur le site de vivre à Chalon.
par @Albert et René
Cécile Durand Mignard est une jeune artiste qui vit et travaille en Bourgogne. Elle enseigne les arts dans les quartiers depuis plus de 15 ans. Nourrie de culture artistique contemporaine, mais aussi classique, et passionnée par les mouvements créatifs underground du Street art, du graphisme, du numérique, Cécile travaille sur toile des « mixs visuels ». Ils proposent une vision du monde, souvent noire....Mais ça n'est pas pour autant que ses toiles ne sont pas en couleur....
Cécile a eu la gentilesse de répondre aux nombreuses questions que
vivre-a-chalon.com lui a posé. Interview.
Bonjour Cécile. Bien sûr, il y a eu d’abord le choc visuel dans la
première rencontre avec vos œuvres et c’est lui qui pousse à explorer
votre univers. Mais comme c’est un lieu commun de penser qu’une toile
ce n’est pas pour tout le monde et que ça reste très rare dans les
intérieurs des gens votre principe d’adoption des toiles nous a ensuite
intrigué… De quoi s’agit-il ?
Adopter une toile, c'est d'abord adopter une relation à une oeuvre
unique, qui vous parle, vous interpelle, vous émeut, dans laquelle vous y
retrouvez une partie de vous même, de votre histoire.
Il y a un vrai rapport affectif qui se met en place, comme quand on
encadre le premier dessin de son enfant. Lorque je parle d'adoption, je
pense à un engagement à faire vivre l'oeuvre et non pas comme un simple
objet décoratif devant lequel on passe sans y prendre garde.
Ce que le tableau représente ? Cela dépend de celui qui le regarde. On
ne choisi pas une oeuvre originale, comme on achète un objet
manufacturé, en série. Il n'y a pas de côté normatif, mais bien un
engagement émotionnel. C'est pour cela que je parle d'adoption.
Une toile n'est pas faite pour tout le monde justement parce que ce
lien si particulier se tisse mystérieusement en fonction de l'affect.
Croque La Vie - Commande verte
Vos toiles « parlent de l'Homme, de son devenir, de ses rêves, du
monde actuel, entre no future et rêve d'Icare », dites-vous. Ce
désespoir et cette quête folle ce sont des carburants ?
On parle communément de l'univers de l’artiste comme s’il s’agissait à
chaque fois d’un monde différent du notre.
Je travaille autour des symboles, de la spiritualité et du Chaos. Je
parle du monde comme je le vois, comme une réalité déconcertante; comme
je l'aime et le déteste à la fois, beau et laid. Mes toiles sont le
reflet de mon âme, de mon expérience,de mes joies et de mes douleurs, de
mes forces et de mes faiblesses, de mes espérances et de mes doutes.
Bien sûr que le désespoir est un carburant puisqu'il est omniprésent
dans notre société, il est l'un des liens affectifs dont je parlais
précédement et dans lequel chacun d'entre nous retrouve une part de son
histoire car le désespoir est devenu une réalité.
« Cette quête folle » c'est l'espoir qui subsiste ! La possibilité de
vivre dans un monde meilleur.
Ce qui m'intéresse c'est de figer l'état de la société actuelle comme un
portrait global et sensible, le paradoxe d'un monde à la fois sombre et
en couleurs.
Amateur du lundi c’est un compliment ? Vous vivez de vos créations ?
C'est un clin d'oeil à l'expression «peintre du dimanche », puisqu'il
faut dire que je suis « officiellement » artiste amateur. Je ne vis pas
de mes créations, loin de là ! J'expose depuis peu de temps, et dans
des lieux hors du circuit officiel, pour aller à la rencontre d'autres
publics que les amateurs d'art. Mais c'est difficile d'être à la fois
producteur, et distributeur. De plus mon énergie est souvent totalement
absorbée par mon métier de professeur...La peinture devient alors un
exutoire.
Être artiste professionnel, ça veut dire quoi ? Que j'ai tout le temps
des images, des sensations dans la tête, l'envie de créer ? Ou que je
vis de mon art ? Entre les deux donc, j'ai choisi le lundi. Parce que le
lundi c'est le 1er jour de la semaine.
Votre univers est noir, désenchanté et flirte avec la violence sans la
faire exploser. Le sentez-vous évoluer et comment ?
Mon univers est fortement lié à mes ressentis. Je trouve le monde noir,
les gens désenchantés, il ne s'agit plus d'un flirt, la violence est
consommée ! Pour ma part j'ai peu de foi en l'humanité, ou en la bonté
de la nature humaine. Ma vision évolue en fonction des aléas du monde,
de ma sensibilité, ou du message que je veux faire passer.
L'expression artistique est un moyen de recherche de perfection et de
spiritualité, qui ne fait de mal à personne et qui grandit celui qui le
fait et celui qui le regarde. Cela me pousse à continuer.
Je pense donc avec beaucoup de couleurs. Alors noir... ou pas si noir
que ça ?
Cop Trust
Grace à Facebook notamment on peut découvrir à la fois vos créations
mais aussi l’atelier… Comment travaillez-vous aujourd’hui avec internet ?
Pourrions nous oser dire que les échanges – vous avez de nombreux
admirateurs en ligne – vous servent aussi de matière première, de
nourriture pour votre imagination ? Cela change t’il votre regard ou le
conforte t’il ?
J'ai toujours peint pour mon entourage proche, mes amis, d'abord, comme
un besoin, égoïste et personnel d'exprimer mes émotions autrement
qu'avec des mots.
Depuis mes premières expositions, le regard sur mon travail est devenu
important. J'utilise surtout mon blog comme une vitrine virtuelle.
Mais l'internet dématérialise beaucoup mes toiles. En effet, une
photographie ne remplace pas l'objet lui-même.
Je ne sais pas si mes échanges me confortent, mais ils m'ont
certainement donné envie de continuer mon travail et permis quelques
rencontres avec des personnes à qui mes peintures parlent. C'est dingue à
quel point on est à l'image de ce que l'ont fait.
Quant à mon atelier, c'est mon salon, au grand damn de mon vieux parquet
en chêne....
Une série actuelle porte le nom de “2010 The Sexy Wars Project-Work in
progress ». Une arme rend-elle sexy une femme aujourd’hui comme elle le
faisait dans l’imaginaire masculin des années 50 ?
Je prépare une exposition en Janvier 2011 au réservoir à St Marcel avec
l'amie et photographe talentueuse Ingrid Delberghe dont le travail est
très poétique.
Sexy wars, c'est à la fois un jeu de mots sur deux visions féminines qui
s'opposent et se rejoignent pour cette expo, et le thème actuel des
« sexy girls » armées. Je trouve qu'on voit encore de nos jours la
femme comme objet sexuel soit dominatrice soit soumise.
A mon sens l'image de la femme dans les années 50 était surtout celle
d'une bonne mère au foyer, plutôt armée d'un aspirateur que d'une
kalachnikov. Aujourdhui, la grande majorité des mannequins sont
photographiés par des hommes qui appliquent leur vision, souvent
machiste, sur les postures désirées parce que cela fait vendre. Je
peins donc des stéréotypes !
Parce que les armes sont associées à la guerre et que ce sont plutôt les
hommes qui font la guerre. Oui, une femme armée reste un stéréotype
ultra sexy de nos jours.
Sexy Wars N°9
Le Street Art vous a beaucoup influencé ? En quoi ?
Comme son nom l'indique, l'art de rue se fait dans la rue. Moi je ne
peins pas pour l'extérieur. Mais j'ai déjà investi les murs
d'intérieurs. J'utilise essentiellement les outils des street artistes,
et un peu la technique du pochoir, mais le street art ne l'a pas
inventé. Le pochoir existe depuis la préhistoire !
L 'art en général m'influence. Mes toiles sont plutôt hybrides, on y
trouve des références à la BD, l'art, la pub, le graffiti, la
calligraphie, l'expressionnisme, le pop art, le street art, l'art
abstrait...
J'aime quand on vient jouer avec la rue, in situ, pour y apporter un peu
d'humour ou de gaité et le côté subversif du monde du grafiti.
D'ailleurs à ce propos, même s'il n'est pas toujours d'extrême qualité,
cela m'a toujours amusé de voir comme nos villes sont grises et
préfèrent le rester. Le béton, le mobilier urbain.... Et de voir comme
la lutte contre les couleurs est une préoccupation des municipalités....
En quoi la musique est-elle, semble t’il, aussi, importante ? Vous
écoutez quoi ?
Je suis fille de musicien, entourée de musiciens, j'ai donc été bercée
dans la musique, et après des années de conservatoire, je mixe un peu,
lors de sets privés. Je me suis même essayée à la composition, mais
j'ai lâché prise faute de temps ! Il faut savoir faire des choix !
J'écoute de tout, quoiqu' essentiellement de la musique black, funk,
house, tribal, electro, des percussions...
Quels sont les artistes –toutes disciplines confonds - qui vous
influencent, que vous admirez ou respectez ?
La liste serait longue ! Les figures du pop art bien sur, Wharol,
Basquiat. Mais aussi ceux de l'expressionnisme abstrait comme Robert
Rauschenberg et les peintres de la matière comme Tapiès restent mes
préférés. J'aime aussi beaucoup les artistes street comme Bansky, et
ceux du pop surréalisme comme Jeff Soto.
Sexy Wars N°1 Hors Série
Moisissures, traces, taches, maturation, textures, matières figurent
parmi vos matériaux. Il y a quelque chose de terriblement organique dans
vos peintures. Un désir d’affirmer la nature et la saleté ou le
désordre qui lui sont aussi inhérents. Punk ? Fini les gentils posters
aseptisés et place à la réalité ? Je m’égare ?
Pas du tout, c'est un peu ça. A l'ère du numérique, tout est
dématérialisé, reproductible. Les tâches, les ratures, les erreurs, les
tremblements, c'est ce qu'il reste d'humain.
Les mots, l'écriture ont toujours eu une place importante dans mon
travail. Je les vois aussi comme des éléments graphiques. Les lettres
sont avant tout des signes, des dessins.
Et les tâches, les coulures, des murs sales, une matière vivante en
quelque sorte.
Quels sont les matériaux de prédilection avec lesquels vous aimez
travailler ?
Je suis sans cesse à la recherche de nouvelles techniques pour produire
les effets désirés. Actuellement, j'utilise de la peinture aérosol et
des encres utilisées par les artistes du monde du graffiti. Je suis
revenue au pinceau depuis peu, mais je continue à travailler aussi le
pochoir, les tampons, les marqueurs... Je travaille sur toile parce que
c'est pratique, mais j'ai bien envie de changer de support, sur des
vieux panneaux par exemple, qui auraient un vécu, une âme...
Sortilège
En quoi le numérique a-t-il révolutionné votre façon de travailler voire
d’appréhender la notion de création !
Je suis fascinée par l'ère numérique surtout du point de vue de l'accés
qu'il donne au plus grand nombre de créer des images. De ce point de
vue, ce qui m'interpelle le plus est la vidéo et la photographie
numérique (sans parler de la révolution technique du point de vue
musical).
Mais le numérique c'est aussi une dématérialisation des images. Il ne
peut se substituer à la matérialité de la peinture. Je me sers de
l'informatique uniquement donc pour photographier, préparer ou créer
mes images, mes pochoirs. C'est un outil, pas une finalité. J'ai aussi
quelques projets plus « numériques », comme des clips de vidéo-peinture,
ou des photographies peintes...
Vous enseignez ? Pour quels publics ? Quel regard portez-vous sur la
culture « multimédia » de ces jeunes ?
Je suis professeur d'arts plastiques dans des collèges, et j'ai souvent à
faire à des publics défavorisés dont la seule connaissance multimédia
est celle des messageries instantanées. L'accessibilité au matériel
reste difficile, coûteuse et la mise en place de séquences de travail
utilisant l'outil informatique compliquées , bien que j'ai eu parfois de
bonnes surprises. La place de l'enseignement culturel à l'école est
toujours une lutte de chaque instant qui je l'avoue est épuisante. C'est
dommage, car il me semble que les générations futures ne devront pas
manquer de créativité pour faire face aux grands défis de l'avenir.
Où peut-on découvrir votre travail ?
Rendez vous en Janvier Février 2011 à « l'Arrosoir » à St Marcel ! Le
vernissage aura lieu le 13 Janvier !
J'ai également un projet d'exposition à Lux, en Juillet 2011, avec le
concours de « Arts matures ». Mais je suis ouverte à toute proposition
d'exposition, ou de rencontre. Il suffit de me contacter, je travaille à
Chalon-sur-Saône. Mon blog http://ceciledm.canalblog.com regroupe toutes les
informations en temps réel.
Divine Comédie
Votre fou-rêve – comme on dirait fou-rire - le plus avouable ?
J'ai encore beaucoup de travail, de projets, de rêves. Ma peinture est
en constante évolution. J'aimerai voyager d'avantage, nourrir mon disque
dur de photographies pour une série « carnet de voyages », travailler à
l'édition de livres, à des collaborations artistiques, continuer de
rester curieuse, expérimenter d'autres techniques, plus couteuses, comme
la sérigraphie, ou les photographies peintes sur de grands formats.
Avoir un atelier en fait partie mais il faut bien l'avouer, au final, et
sans rire, j'aimerai ne plus être enseignante et ne vivre que pour et
par ma peinture !
Trois toiles commentées par Cécile DM
Icarus, Sueno, une peinture de 2009. Le rêve d'Icare, ou le désir de l'Homme d'aller toujours plus loin, au risque de devoir se retrouver face à face avec sa condition de simple être humain. Une commande d'amis, un grand format (160 par 120 cm). J'aime beaucoup travailler sur de grandes toiles. Je suis partie de cette idée d'homme-oiseau pour illustrer ce paradoxe.
"Start Up"
Peintures synthétiques et encres sur toile chassis coton
50X50
Start up est dans une collection privée. C'est un peu l'avenir, la
génération future, la start up, ou quand l'Afrique se réveillera.
Sexy Wars N°1
"Brooklyn Battery"
160 X 180
La première toile de la série Sexy wars, femmes armées. C'est à la fois
un carnet de voyage et un concentré de l'esprit de mon travail actuel.
Je suis partie d'une photographie d'un taxi que j'ai prise à New-york en
2009.