Il y a un mec qui dit : tant que je me trimballe pas ta g...
Publié le 22 juillet 2010 par M.
Il y a un mec qui dit : tant que je me trimballe pas ta gueule, j'ai encore une chance de réussir dans ma vie. Et l'autre, celui qui compte les points, ou compte tout court, garde le silence, ou plutôt parle avec quelqu'un d'autre. C'est pas que je sois en colère contre le monde, c'est juste qu'il m'annule, parfois. Il bloque les élans la corde aux pieds, les poings rentrés dans la cage thoracique, casse le béton sous les baskets, serre les boulons à étouffer, et le gosse des voisins qu'est ce qu'il fait : il pleure dans le couloir. Et moi j'ouvre pas la porte. Qu'est ce que je lui dirais, hein. Je connais pas les mots magiques pour ces trucs là. J'accumule les folies qui me hérissent les ongles, retourne huit fois les tournevis dans les plaies et arrose des envies de meurtre sous serre, pour le plaisir de ne jamais m'en servir. Je guéris trop vite pour n'être plus si sensible, et dans le fond trop lentement pour que ça ne prenne pas des allure de bêtise. Comme si je faisais exprès d'entretenir l'empreinte qui me tort les boyaux, mais oui tu sais, je la fais macérer, je la distille et je la bois à l'occasion, petits cons. Le mec il dit, je te crache à la gueule et après, il demande si je suis vexée, et je me demande à quoi ça sert d'entretenir autant de liens humains qui à la fin se transforment en ronces. Je sors le sécateur de ma poche. J'aime bien couper les branches pourries. Du haut de mon bateau, je me jette à la mer. Ce n'est pas que le monde soit triste - c'est qu'il intercale avec allégresse ses tranches au goût de ferraille, sa langue rouillée, au milieu des jolis moments. Je préfère dormir avec toi que sans, tout comme j'aime moins me fatiguer du monde que de le bouffer tous les matins. Le gamin dehors a cessé de pleurer. Alors j'essuie soigneusement les idées de colère qui perlent sur la peau du grand corps vraiment trop grand, ça ne vaut pas le coup de se mettre en colère, ça rend rigide et sec comme une brindille brûlée, et ça m'emmerderait vraiment de devenir rêche au point qu'on ne puisse plus me dormir dessus, et si dure qu'on ne pourrait plus me mordre dedans. En fait, de tout là haut sur mon bateau qui me fait paraître si minuscule vue du trottoir, j'aimerais bien me jeter dans la mer parfois, mais celle là elle a trop l'odeur crasseuse du goudron sur lequel tout le monde a pissé. Je préfère l'autre, la vraie, avec des vagues et du sel et des gens qui rigolent dedans.