Magazine Humeur

A table!

Publié le 19 juillet 2010 par Sophiel

Je me souviens du temps où je rentrais le soir chez moi, harassée par mes responsabilités professionnelles, et où j’étais accueillie comme la reine de Saba. Dès que j’ouvrais la porte, de petits gremlins tous propres me sautaient dans les bras, m’embrassaient, me regardaient de leurs petits yeux émerveillés, fêtant joyeusement le retour de la princesse que j’étais alors pour eux. La maison était étincelante, le dîner mijotait, attendant d’être dégusté, la table était dressée. La nounou me faisait un rapide compte-rendu de la journée avant de s’éclipser, nous laissant au bonheur des retrouvailles. Détendue et souriante, j’écoutais, sirotant un jus de fruit fraîchement pressé, les aventures extraordinaires de mes doux petits. Arrivait le père, la même joie éclatait, décuplée par une partie effrénée de « guili, guili ». On avait tout de la famille Ingalls des temps modernes… (Et alors ? Je n’ai pas honte de dire que j’adorais cette série !).

Quelques années plus tard, les responsabilités professionnelles se sont transformées en activités ménagères avec tout ce que cela implique d’ingrat : Qui a remarqué que j’avais gratté derrière la cuvette des WC ????

Mes agneaux se sont métamorphosés en petits tyrans, ils ne me sautent plus dans les bras, je ne suis plus leur princesse… Tous les jours, après un vague bonjour, la même question revient puissance 3 : Qu’est-ce qu’on mange ?

Comme ils sont loin de se douter que cet épineux sujet m’a taraudé toute la journée depuis mon lever !

Car, voyez-vous, j’ai de très nombreuses qualités (dont certaines sont encore méconnues…) parmi lesquelles cuisiner ne figure pas.

Je m’explique : Je cuisine (bien obligée !), j’ai même fait des progrès considérables, je suis quelquefois inventive, j’ai plein de livres de recettes dont un sur les desserts, que je chéris particulièrement car il m’a été offert par une amie qui ratait systématiquement les siens - je me suis toujours demandé si elle avait agi par autodérision ou grande naïveté ? – pourtant, cette activité répétitive ne m’apporte pas l’extase que certain(e)s d’entre nous éprouvent.

Il est vrai que mitonner un petit plat de temps en temps peut procurer un certain plaisir, mais tous les jours ??? En ce qui me concerne, il s’est envolé au bout de 24 heures…

Lorsque j’ai décidé que j’étais assez grande pour m’occuper de ma maison toute seule, et que j’ai regardé avec un peu d’appréhension mêlé d’excitation ma nounou / femme de ménage / cuisinière franchir le pas de la porte pour la dernière fois, je n’imaginais pas être prête à tripler son salaire pour qu’elle revienne. Je ne l’ai pas fait, j’ai ma fierté.

Depuis, la confection du menu est devenu un calvaire autant qu’une obsession. J’y pense dès mon réveil, j’inspecte mentalement mon frigo et mon congélateur, fait mon choix en me lavant les dents sauf qu’en me tartinant de crème hydratante, je réalise qu’il me manque la moitié des ingrédients. Retour à la case départ sur le chemin de l’école, je n’écoute pas ce que disent les enfants, je pense à mon menu. Vaquant à mes occupations quotidiennes, l’esprit tourmenté par cette recherche infructueuse, je me mets à fantasmer sur des petites pilules multicolores qui arrangeraient bien mon affaire. Imaginez la scène :

  • -   Qu’est-ce qu’on mange ?
  • -   J’ai pensé qu’on pouvait se faire une p’tite bleue aujourd’hui, on a déjà eu la verte hier.
  • -   Oh oui ! Super ! En plus, dans la bleue, il y a de la vitamine D, c’est bon pour les os !
  • -   Moi, je préfère la jaune !
  • -    Pas de problème, ce sera donc une jaune pour la demoiselle !

Avouez que ça laisse rêveur… Plus besoin de se triturer les méninges, finie la corvée de courses, adieu la vaisselle, sans compter que, comme on a plus besoin de cuisine, ça nous fait une pièce supplémentaire pour le même prix !

Mais la réalité me rappelle bien vite, les pilules éclatent en petites bulles éphémères et me laissent toujours aussi dépourvue d’idées : Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire à manger ? 

D’autant que, depuis quelque temps, l’affaire se complique. Vous avez remarqué, comme moi, ces multiples messages dont on nous bassine sans arrêt au point de nous faire culpabiliser systématiquement sur le contenu de notre assiette : Est-ce que c’est trop salé, trop sucré, trop gras ? Au secours, on a mangé que deux légumes et un fruit aujourd’hui, c’est grave docteur ? Voyons, pour un repas équilibré, ai-je mis assez de lipides, de glucides, de vitamines, de calcium, de potassium ? Et avec ça, il faudrait arrêter de grignoter entre les repas ???

Ajoutez à cela qu’il faut faire une analyse hautement scientifique sur le repas du mari (selon qu’il a déjeuné au restaurant ou d’une salade devant son ordi), celui des enfants à la cantine (qui est invariablement mauvais d’après eux, mais on ne peut plus équilibré de l’avis du fournisseur) et le mien (là, je m’en balance, je me sacrifie). Il est, somme toute, carrément normal que je mette autant de temps à trouver l’idée lumineuse qui satisfera tout le monde tout en veillant à leur apport calorique journalier.

Bien. Forte de ces informations que j’ai récoltées grâce à une enquête minutieuse, il est 18 heures et pas l’ombre d’un début de repas. La litanie du « Qu’est-ce que-on mange ? » débute, il faut trouver une solution rapide qui puisse se réchauffer pour l’arrivée tardive de l’époux fatigué. Après quelques coups de fils infructueux aux copines – Misère ! Elles ne sont d’aucune utilité – qui me mettent encore plus en retard, l’heure du dîner est là, il faut bien que j’improvise.

J’ouvre, ni vue ni connue, deux grosses boîtes de raviolis, que je mets à gratiner dans un joli plat, sort une salade toute prête que j’ai acheté « au cas où », déniche quelques pommes qui ne demandent qu’à être mangées avant de se ratatiner complètement.

Je sers les affamés coupant tout commentaire indésirable par un :

  • -   Désolée, mais avec la journée que j’ai eue, je n’ai pas eu le temps de préparer autre chose !

Un peu coupable, je me promets que, demain, je leur fait la totale, hyper équilibré et tout et tout.

Vous n’auriez pas une idée ?


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