Dialogue du lecteur et de son double, à propos de Méfiez-vous des enfants sages, premier roman de Cécile Coulon. Buzz de rentrée...
Moi l’autre : - Tu disais l’autre jour que la rentrée d’automne serait fortement américaine, avec les nouveaux romans de Bret Easton Ellis, Philip Roth et Thomas Pynchon, et voilà qu’une jeune Auvergnate en rajoute ! Méfiez-vous des enfants sages…
Moi l’un : - Oui, c’est assez bluffant. Ecrire un roman américain, quand on a vingt ans et qu’on fait ses études à Clermont-Ferrand, pourrait être la pire idée qui soit, mais la petite peste s’en tire plutôt bien…
Moi l’autre : - Ca ne te rappelle pas quelque chose ?
Moi l’un : - Bien entendu, et autant de récits américains « à l’américaine » que de romans français du même tonneau, remakes de Salinger ou de McCullers (cités ici comme référence en quatrième de couverture, plus ou moins à juste titre d’ailleurs), mais Cécile Coulon a quelque chose de tout à fait personnel, et ça ça m’intéresse, comme nous avait intéressé Sacha Sperling au début de l’année, assez proche lui aussi de Bret Easton Ellis avec ses ados paumés…
Moi l’autre : - C’est vrai que Cécile Coulon a ce qu’on peut dire « la papatte ».
Moi l’un : - Ca crève les yeux dès les premières pages, et plus que chez Sperling : elle a le sens des mots, le sens de la phrase-formule, le sens du récit, et ce qui est bien plus étonnant chez un auteur de cet âge : le sens du temps romanesque. Sa façon d’enchaîner le récit d’une jeune femme qui vit ses plus belles années à l’époque des hippies de San Francisco, et celle de sa fille Lua en voie d’émancipation à sa propre façon, épate réellement par la mise en perspective des diverses destinées évoquées et par la justesse du tableau d’ensemble, plus encore : par l’originalité des personnages et des points de vue.
Moi l’autre : - Malgré tout, on se demande à quoi ça rime, pour une jeune Auvergnate, d’écrire un roman qui se passe en Amérique profonde…
Moi l’un : - Là, j’attends d’en savoir plus sur l’auteure. A-t-elle elle-même un passé américain ? Ca m’étonnerait. Et suffit-il d’être fasciné par la littérature et la musique américaines pour incarner une « nouvelle McCullers » ou un Salinger bis, comme le suggère le prière d’insérer ? Tout ça me rappelle un peu trop les « à la manière de », ou les essais multiculturels d’un Alain Gerber, passant du western poétique (Le lapin de lune) au roman aztèque (Le jade et l’obsidienne) entre autres variations balkaniques, pour ne pas me laisser un brin perplexe. Mais un nouveau talent n’en est pas moins là, réellement remarquable.
Moi l’autre : - Donc on y reviendra.
Moi l’un : - Sûr qu’on y reviendra. Parce que des premiers romans de cette vivacité sont plutôt rares et que Cécile Coulon nous prépare peut-être d’autres surprises. En tout cas elle est, avec ce premier roman, en de bonnes mains…
Cécile Coulon. Méfiez-vous des enfants sages. Viviane Hamy, 110p. En librairie le 20 août.