Aujourd’hui, j’ai rencontré, le profil de ma vie, la la la la

Publié le 26 juillet 2010 par Anaïs Valente

Oui, bon, c’est pas les paroles d’origine, que voulez-vous, faut vivre avec son temps ma bonne Dame.  A l’ère de l’internet, on rencontre des profils avant de rencontrer des hommes.

J’ai donc relancé une offensive sur la page orange, pleine d’espoir et de rêves estivaux. Comme toujours, au début, la profileuse est pleine d’espoir et de rêves… durant dix minutes.  Car immédiatement, les hommesmariés, les perverslubriques, les déneuronésduneurone et les ceussesquinontrienàdire surgissent, comme des puces sur un clebs mal lavé, et m’envoient des mails...

Et de suite, on sent que ça ne va pas coller, car après  les politesses d’usage, savoir les conversations passionnantes du genre « bonjour, bonjour, kesketufaisdanslavie, je bosseettoi, moizossi, kesturecherchesici, euhunnouveaucanapéettoi, euhlafemmedemavie », j’ai plus rien à dire.  J’envoie des mails quasi vides, rien à dire je vous dis (et moi, avoir rien à dire, c’est révélateur non ?).  Je m’ennuie.  Alors, si je m’ennuie devant mon pc, alors que j’ai la TV, des livres et Bubble town à portée de main, je n’ose imaginer comment se passerait une rencontre.  Non, n’imaginez pas, c’est l’enfer, j’ai vécu, j’ai connu je veux plus revivre ça.

Mais aujourd’hui, aaaaaaaah, aujourd’hui… faut que je vous raconte quoi.

Son message est court.  Mais il va à l’essentiel : il aime mon profil.  Sans faute.  Pas mon profil, of course qu’il est sans faute.  Son message, sans faute.  Ça change de la phonétique habituelle, je vous le dis.  Pas de photo, tant pis, on s’en fout des photos, seule la beauté intérieure compte (menteuse).  Je lis son profil.  J’aime.  Il aime Mika, attendez, c’est un signe.  On a tout en commun, c’est ainsi.  C’est un signe.  Meuh non je ne m’emballe pas, voyons, vous me connaissez.  Je réponds, on échange quelques messages, puis on passe sur le tchat.  Le tchat de la page orange, c’est une sacrée aventure.  Ce tchat refuse certains mots.  Par exemple « Meetic », ce qui est compréhensible.  Mais il refuse aussi le mot « toi », ce qui est nettement plus exaspérant et infondé.  Car en général, sur un tchat, on se parle, on se pose des questions, genre « tu vas bien, oui et toi ? ».  Paf, ça foire.  « T’as mangé quoi ?  Des pâtes et toi ? ».  Paf, replantage.  Et même « toi » dans un mot, ça foire.  « T’as fait quoi de la journée ?  J’ai regardé mon toit ».  Paf, plantage.  « Tu fais quoi dans la vie ?  Une thèse sur le toilettage pour chiens ».  Plantage.  Autre mot qui fait planter, « dat ».  Ennuyeux aussi, lorsque j’ai parlé des « inondations », plantage.  « T’as mangé quoi ce soir ?  Des dattes ».  Plantage.  Bref, c’est la croix et la bannière que le tchat de la page orange, mais j’aime vivre dangereusement, alors allons-y.

Entre-temps, j’ai accès à sa photo.  Les photos importent peu hein, je vous le disais là-haut.  Mais bon, y’a une photo, alors je vais voir hein (curieuse, en plus de menteuse)…  Et là, là, ben là.  Trop mimi.  Vraiment mimi.  Tout ce que j’aime, keske je peux vous dire de plus ?  Profil idéal, photo idéale.  Meuh non, je ne m’emballe pas, vous me connaissez.

Et on discute.  Sur le tchat, ça passe ou ça casse, encore pire que sur les mails, car y’a le côté instantané, comme le café.  Et là, si on n’a rien à dire, ça s’essouffle hyper vite.  L’enfer.  Mais avec mon crapaud charmant du jour, ça s’essouffle pas, on a plein plein plein à se dire.  On parle de nos marques préférées de lasagnes, des moules de Zeelande (ça tourne souvent niveau estomac, zavez remarqué ?), des vacances sans avion (je m’emballe pas de plus en plus, sur ce coup-là), et puis je sais plus de quoi mais on en parle.

Et il me trouve drôle.  Génial non ?

Puis je lui annonce que je vais sortir ma poubelle.  Et lui m’annonce qu’il va vider son lave-linge.

C’est d’un romantisme dingue.

Puis il ne revient pas, damned.

Alors me vient un air en tête.

« Si toi aussi tu m’abandonnes, la la la la la la. »

Et je l’écris.

Si toi aussi tu m’abandonnes…

Il me répond, à son retour : c’est internet qui déconne…

Et moi : ça va je te pardonne.

Et voilà, on fait de la poésie, c’est définitivement le crapaud de ma vie.

Puis ça plante à nouveau, et j’ai en tête :

« Tu t’en vas… »

Puis « Reviens, on va vivre la main dans la main… »

J’ai plein de chansons ringardes en tête.  Et moi, quand j’ai des chansons ringardes en tête, c’est un signe.  Un signe qui ne trompe pas.  Un bon signe.  Meuh non, je ne m’emballe pas, vous me connaissez.

Je tente un « Allô Houston, ici la terre… » (ah ah ah, keske chuis spiritueuse hein).

Et il revient.

Et on continue à causer, et à rire.  Il rit, je le sens je le sais, je l’entends, enfin presque.

Et il me demande mon numéro.

En général, c’est là que ça coince, car je ne donne jamais mon numéro.  Je déteste le téléphone.  Je hais le téléphone, alors franchement, donner mon numéro à un inconnu, très peu pour moi.  Donc, en général, je refuse, j’argument, j’explicite, je tergiverse, mais je donne pas, c’est à prendre ou à laisser.

Mais là, ne cherchez pas à comprendre, pulsion crapautesque, je donne mon numéro.

Vous lisez bien, je donne mon numéro.

Trois fois, car y’a plein de coupures.

Ensuite, silence total.  La parano m’envahit.  Il est dans la police et avec mon numéro, a trouvé mon casier.  Mais j’ai pas de casier.  Il réalise qu’il me connaît et me déteste.  Mais il me connaît pas.  Il est pro en numérologie, et mon numéro ne lui dit rien qui vaille.  Mais mais mais…

Silence.  Silence.  Silence.

Driiiiiiiiiiiiiing.

Horreur et putréfaction, c’est lui.  Faut que je décroche.  J’ai pas envie de décrocher.  Je veux pas décrocher.  Je décroche.

On échange quelques phrases, puis ça coupe.  Il m’avait avertie qu’en plus de soucis internet, il avait des soucis GSM.  C’est bien ma veine, je hais le téléphone, et ça coupe.

Silence silence silence.

Il rappelle.  Et on parle plus longuement.  Ça passe bien.  J’aime parler avec lui.  Et du coup je m’emballe et deviens bavarde, je commence à raconter une anecdote à mourir de rire de mon existence hors du commun.  Je raconte je raconte je raconte.  Jusqu’à ce que j’entende le bip significatif de la coupure de communication.  Je hais le téléphone, je vous le disais.

Silence silence silence.

Troisième appel, juste pour me dire au revoir, vu que ça va encooore couper. Si c’est pas attentionné ça, hein, hein que c’est attentionné.  Ça fait comme s’il était à l’étranger, bien loin, et qu’il mettait sa dernière piécette, on parle très vite, avant que le crédit soit épuisé. On se dit au revoir bonne nuit à très très bientôt.

Rhoooo oui, à très très bientôt.

Il conclut d’un « ne m’oublie pas ». Rhaaaa, so romantic.

Evidemment, s’il tombe par hasard sur ce blog et se reconnaît (passque s’il tombe par hasard, il ne pourra que se reconnaître, c’est clair et net), soit il sera choqué à tout jamais que j’aie osé révéler ces détails de notre vie déjà si intime, soit il rira aux éclats…

S’il se choque, il n’était pas fait pour moi.

S’il rit, on peut fixer la date du mariage…