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Les souvenirs amoureux d'Andras Vajda

Publié le 30 juillet 2010 par Araucaria

Nu 1927, photographie de Jaromir Funke
Que vous dire de mon choix? Je lis dans toutes les directions, donc pourquoi pas des textes érotiques? Et puis à mon âge comment ne pas être interpelée par le titre "Eloge des femmes mûres"? Après lecture, je mets toutefois un bémol. Je suis rangée dans la catégorie des séniors depuis quelques années déjà, même si l'âge n'apparaît pas réellement sur mon visage, mais je ne fais plus partie de la catégorie des femmes mûres dépeintes par l'auteur. J'ai passé l'âge depuis des lustres, puisque Stephen Vizinczey situe cet âge mûr aux alentours des 35/40 ans... Donc, je dois être classée dans la case décrépitude avancée, fossiles ou paléontologie... Soit! Il n'empêche qu'ayant allégrement dépassé le stade de la maturité, mais pas cependant totalement gâteuse, je peux encore, au moins, me rappeler certains de mes souvenirs amoureux et peut-être aussi établir des comparaisons.
En quatrième de couverture, il est fait l'éloge de ce livre. Pour exemple, l'avis émis par Danielle Laurin (Elle) : "C'est un bijou de subtilité, de nuances, sur la découverte de la sexualité... Je n'en suis pas encore revenue. Lisez-le!"
Mon sentiment sur ce texte est beaucoup plus nuancé. Erotique, certes... mais j'ai lu parfois des paragraphes qui l'étaient bien plus dans des romans qui n'avaient pas vocation à l'être... Cet éloge des femmes mûres évoque aussi la situation politique de la Hongrie pendant la seconde guerre mondiale, puis après, son occupation par l'armée soviétique, jusqu'aux évènements de 1956 et l'émigration d'une partie de la population. Pour ces raisons historiques, cette oeuvre mérite d'être lue, pour le reste j'aurais pu m'abstenir... non pas parce que j'ai la prétention de tout connaître et d'avoir tout vécu en matière de sexualité, mais parce que je trouve finalement lassant de lire le tableau de chasse d'un jeune homme attelé à dénicher des maîtresses expérimentées. Je précise aussi que je n'ai aucun goût pour les jeunes hommes et pas la moindre vocation de pédophile, ou vieille dame avide de séduire un gigolo...
Mais puisqu'il s'agit d'un livre classé "érotique", je vais vous offrir un passage digne de cette classification : (mais quelle coquine cette araucaria aujourd'hui, la démone de midi s'est réveillée en elle, c'est certain!)
"Un samedi matin, tard,  je fus réveillé par la chaleur. Le soleil m'arrivait dans les yeux à travers les vitres cintrées et les voilages blancs, et il devait faire au moins trente-cinq degrés dans la chambre. Pendant la nuit nous avions rejeté la couverture et le drap de dessus, et Paola était étendue sur le dos, les jambes relevées, respirant sans un bruit. Nous ne semblons jamais autant à la merci de notre corps, la proie de notre inconscient, que lorsque nous sommes endormis. Le coeur battant, je décidai de tenter le tout pour le tout. Lentement, je lui écartai les jambes, tel un voleur écartant des branches pour frayer subrepticement son chemin dans un jardin. Derrière la touffe d'herbe blonde, je voyais son bouton rose foncé, avec ses deux longs pétales légèrement ouverts, comme si eux aussi avaient été sensibles à la chaleur. Ils étaient particulièrement ravissants et, toujours avide, je me mis à les humer et à les lécher. Les pétales ne tardèrent pas à s'amollir et je savourai bientôt la rosée de bienvenue, bien que le corps restât immobile. Paola devait maintenant être réveillée, mais elle n'en montrait rien; elle se maintenait dans cet état rêveur où l'on essaie d'échapper à la responsabilité de ce qui va arriver en déclarant d'avance n'être ni vainqueur ni vaincu. Dix-minutes, ou peut-être une demi-heure plus tard (le temps s'était dissous dans une odeur de pin), ses entrailles commencèrent à se contracter et à se relâcher, et, en frémissant, elle accoucha enfin de sa jouissance, ce fruit de l'amour dont ne peuvent se passer même les amants d'un jour. Quand la coupe déborda, elle me prit les bras pour m'attirer contre elle et je pus enfin la pénétrer la conscience tranquille."
Stephen Vizinczey - Eloge des femmes mûres, Les souvenirs amoureux d'Andras Vajda - Chapitre 15, Du bonheur avec une femme frigide - Folio n° 4367 -

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