Magazine Journal intime

De Staël à Martigny

Publié le 07 août 2010 par Alainlecomte

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La Fondation Pierre Gianadda expose cet été des oeuvres de Nicolas de Staël qui vont de 1945 à 1955. Inutile d’aligner les superlatifs : cette exposition est à visiter, bien évidemment. On y trouve réunis les grands classiques de cette période, l’orchestre de jazz (hommage à Sidney Bechet), les footballeurs, le Parc des Princes et des toiles de la dernière période, mouettes, mâts de voiliers où affleure une influence du Braque des derniers instants. Et puis une étincelante série de toiles consacrées à Agrigente et plus généralement à la Sicile (dont une montagne Sainte Victoire sicilienne).

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Et puis des nus, des nus « abstraits » serait-on tenté de dire. Surtout le nu bleu sur fond rouge, si géométriquement construit qu’il a un air de montagne.

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De Staël pose un problème à l’amateur d’art comme au critique : que signifie en ces années cinquante de l’abstraction triomphante, ce « retour à la figuration » ? Peut-on y voir une régression ? J’ai lu quelque part que le peintre qui s’était fixé à Antibes ironisait sur ses camarades contemporains, les appelant « le gang de l’abstraction avant »… Certains critiques parlent de l’ouverture d’une troisième voie, comme si de la peinture il en était comme de la théorie politique (où l’on sait que les troisièmes voies n’ont jamais bien duré…). Mais s’agit-il vraiment d’un « retour à la figuration » au sens courant du terme (le sens du « réalisme ») ? Peut-être est-ce autre chose qui transparaît. En ces lendemains de guerre mondiale, où pouvait enfin éclore un plaisir de vivre se montrant dans le jazz et dans le sport, ne fallait-il pas faire bien plus que l’illustrer, mais lui donner une « figuration », transcendant leur apparence vulgaire et anecdotique ?

C’est la lumière qui éclate chez De Staël dans tous ses tableaux des années cinquante, autant que la lumière explosait aussi chez un Fra Angelico, tout en étant une lumière profane, à la différence de celle du moine florentin.

Et c’est aussi une musique. Que l’on songe à ces objets (cinq pommes grises par exemple) qui se tiennent dans l’air comme des notes de piano en suspension…

A voir donc si vous passez par Martigny… même avec des enfants, et (et même si Minnie, du haut de ses vingt deux mois s’est détournée de chaque tableau en disant “aim’pas”).


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