Je l’entends parler dans son sommeil, il lui aura fallu à peine cinq minutes pour partir dans ses rêves étranges. Je me penche sur elle, elle gémi et vibre sous de rares secousses comme si son clitoris avait une vie nocturne. Bordel au bord d’elle, je reste bêtement à la porte. Manteau, clés, cigarettes, dehors. Dans la rue ma paranoïa est effrayante, c’est de pire en pire. J’ai peur de tout.
Le moindre regard, un silence, une attitude, un accent, un nom, un habit, un regard, une couleur de peau, une taille, un texto, un gémissement, un rien me harcèle et met en marche la partie obscure de mon cerveau, celle qui est défectueuse. Le feu part, les flammes s’agitent, le charbon rougi lentement, la vapeur s’échappe, les pistons dansent entrainant avec eux petit à petit les turbines qui s’élancent timidement à leur tour. Ça y est la machine est lancée, mon cerveau tourne à plein régime et peut diffuser ses plus belles angoisses.
Parano Corporation, je pourrais être riche si elles se vendaient. Des gens bien peignés, heureux, sans histoires viendraient gouter ce frisson malsain, ces sueurs froides et ces vertiges. Une sorte de cinéma en pilules. Cette semaine au programme : marchez seul dans des rues parisiennes éclairées à la seule lumière lunaire et guettez, tout. Lui, eux, il regarde qui lui, eux là bas ils attendent quoi, il paraît qu’un mec s’est fait tuer pour une cigarette, il me suit lui, il veut une clope, il va pas m’emmerder longtemps, si il vient je donne tout, et si c’est un psychopathe, c’est ses potes là bas, il a peut être un couteau, et si il me fracasse le crane, je donne tout et je cours…
Non, rien. Ça aurait pu mais rien. La banque, le café italien, me voilà arrivé, mon tour terminé. Les mains sur les clés je transperce ma rue sombre le pas enfin assuré.