Au coeur de l'été je n'ai pas la force d'alimenter ce blog...Que celui (ou celle) qui n'a pas posé son stylo au profit d'un tube de crème à bronzer me lance la première pierre.
Pour compenser mon manque de volonté je vous propose un article paru dans "Le Monde" qu'il me paraît intéressant de lire.
Auteur : Thierry Caron
Après avoir dit tout le mal que je pensais de mon président : monsieur Sarkozy, je me demande de plus en plus si je ne vais pas prendre peu à peu son parti pour faire en sorte de devenir un de ses rares supporters. Ce qui serait un comble.
Je dois bien avouer, en effet, que les dernières mesures qu'il semble vouloir prendre ont tendance à me réchauffer le cœur et à me rassurer, rien de moins, sur les capacités de rédemptions d'un homme, fut-il un homme politique !
J'ai cru lire, en effet, dans les colonnes d'un journal concurrent que l'État envisageait de faire le ménage dans les niches fiscales et qu'il allait bientôt tailler dans les avantages accordés à certaines catégories sociales ! C'est ainsi que j'ai cru comprendre qu'il envisageait de supprimer les niches fiscales dédiées au logement et à l'écologie.
ENFIN !
Enfin, un homme politique ou tout au moins son équipe s'engage sur ce terrain là ! Salut l'artiste !
On notera en effet tout d'abord que ça n'est pas sans courage puisque cela revient à s'attaquer de front à une partie de son électorat. Le conservatisme républicain, nourri du terreau des propriétaires fonciers va en prendre un coup, et ça risque de couter cher aussi à celui qui aura tiré contre son camp.
Non seulement c’est courageux, mais en plus c’est un geste qui traduit enfin une prise de conscience politique : la politique du logement a conduit à une monstruosité, et il faut en changer d'urgence !
Non seulement elle n'a pas fait varier d'un iota le nombre de SDF et de mal logés, mais en plus elle a permis à une large classe moyenne de transformer un bien primaire en objet de spéculation (merci messieurs Perissol et Monory ! Ainsi, et pour tout dire, les aides à l'accession à la propriété ont enrichi les classes moyennes les plus élevées, alors qu'elles appauvrissaient massivement les classes moyennes modestes et les pauvres ! Conçues comme « une politique sociale », les mesures fiscales en faveur de l’accès à la propriété ont fait plus de mal au pays que s'il avait fallu que les gens paient eux même leurs logements !
Elle a coûté des milliards à l'État, et n'a pas abouti à l'objectif fixé : permettre même aux plus modestes d'avoir un toit ! Pire elle a produit cette absurdité qui fait que maintenant des gens qui cherchent un travail, sont conduits à le refuser faute de pouvoir se loger !
C'est dire si le mieux a accouché d'une horreur. Cette banlieue infinie qu'on met des heures à traverser symbolise cet échec et cristallise maintenant la rupture sociale. Les riches et les pauvres (les plus modestes, devrais-je dire) ne se croisent plus jamais !
Tout cela nous le devons à une politique du logement axée exclusivement sur l'accession à la propriété !
Nous pensons que c'est la crise économique qui a fait les beaux jours de la « rupture sociale », c'est faux, c'est la politique du logement ! En portant l'effort exclusivement sur les accédants à la propriété, nous avons oublié que comme dans l'emploi, le pas le plus difficile à franchir, c'était d'accéder à son premier logement, fusse un HLM ! Autrement dit, le pays a marché à l'envers. Il a ramené de nombreux jeunes chez papa maman et sans doute désespéré de nombreux travailleurs en quête d'une vraie indépendance ! Et tout cela, à coup de milliards ! Un comble !
Comment a-t-on pu laisser faire cela aussi longtemps ?
Avons-nous cru à une croissance infinie des richesses ? La politique du logement en France est-elle vraiment plus honorable que celle que les États-Unis ont menée ?
Oui, tout au moins on le prétend. Mais pour qui ? Pour ceux (et ils sont nombreux) qui pensent que la pierre ne se dévalue pas ?
Combien de temps avons-nous mis à nous apercevoir que nous marchions sur la tête ? Dans un pays dont la croissance globale atteint péniblement 3 % les meilleures années, le prix du logement pouvait-il croître de 5 à 6 % sans provoquer des déséquilibres durables, et de surcroît participer à appauvrir l’État ?
J’en doute.
À un moment (celui où les banques n’auraient plus d’argent ?) il faudrait revenir à la réalité économique. Et comme à ce moment-là, construction individuelle deviendrait moins attractive, il faudrait bien que le logement social prenne le relais !
C’est bien d’y penser enfin ! Ne serait-ce que parce que demain, la moindre croissance du logement individuel privé entraînera une plus forte demande de logement social ? C’est bien d’y penser enfin parce que c’est le sens de la rationalité économique et territoriale. En cessant de financer à perte les maisons individuelles, l’État se donnera une chance de réorganiser le territoire et de refonder une banlieue un peu moins monstrueuse, un peu moins chronophage.
Au surplus comme le logement privé organise la pénurie, le seul moyen de loger les gens demain, sera de plus en plus le logement HLM, ne serait-ce que pour des questions de modernité. Ceux qui auront la chance d’y accéder formeront peut être le nouveau cortège des privilégiés, parce qu’ils auront accès de fait à des biens que l’on pourra rénover réhabiliter.
Les autres, tous les autres, asphyxiés par des mensualités de plus en plus lourdes, verront leur bien se déprécier du simple fait qu’ils n’auront plus autant de moyens pour l’entretenir. Et au bout du compte, après des années ininterrompues de hausse des prix, ils verront leur bien perdre en valeur, parce que les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel !
Aussi merci à tous ceux qui feront que demain je n'ai plus l'impression d'être un veinard absolu parce qu'après quatre ans d'attente, j'ai enfin obtenu un HLM !
Un HLM, vous savez, celui que monsieur Renaud qualifiait de « blème ».
Il est temps que nous revenions sur terre, ne serait-ce que parce que nous n'avons plus les moyens de faire autrement. Il faut revoir de fond en comble la politique du logement. On ne peut plus se contenter de faire croire qu'il est social, de créer une France de propriétaire, si dans le même temps nous conservons autant de mal-logés et de SDF !
Nous ne pourrons plus continuer à faire croire qu'il est social d'aider l'accession à la propriété si dans le même temps les primo accédant au logement restent des laissés pour compte de cette politique !
C'est maintenant là qu'il faut porter l'effort ! Vers ces gens-là qui se lèvent tôt le matin pour vider les poubelles et balayer les rues, ou pour faire le pain ! Autant de choses qui sont indispensables à nos villes. Si politique du logement il doit y avoir, alors elle doit s'attacher à favoriser la mixité sociale des villes et des quartiers, plutôt que flatter telle ou telle coterie ou tel ou tel groupe social ! Elle doit s'attacher à interdire ces manifestations honteuses de propriétaires qui craignent pour la valeur de leurs biens parce qu'à côté de chez eux on va construire (dans vingt-cinq ans !) un lotissement HLM ! Nous avons besoin de jeunes dans nos villes et nos villages, et nous devons nous préoccuper mieux que nous le faisons aujourd'hui de leur accès à l'indépendance ! On verrait alors que leur donner une chance, une toute petite chance de se loger, entrainerait chez eux une reconnaissance bien plus grande que celle qu'ils vont nous accorder bientôt, si nous ne leur donnons que le droit de vivre encore chez papa maman jusqu'à... quarante ans !
Aussi si Nicolas Sarkozy et son équipe s'attaquent de front à ce dossier là et qu'ils savent faire admettre aux propriétaires qu'ils devront demain participer à la politique du logement en la finançant, alors, je voterai pour lui. Si une prise de conscience se fait enfin sur le problème du logement et l'indépendance des jeunes et des plus modestes, et même si elle se fait à DROITE, alors sans nul doute je virerai ma cuti pour devenir : de DROITE !
Si en plus Notre Président proposait, pour la bonne bouche de taxer une partie des plus values réalisées lors de la revente des biens pour financer la protection sociale, alors j'applaudirais des deux mains ! Pire, j'irais voter Sarkozy, sans pince à linge ! C'est dire.
Qu'est-ce qui m’arrive ? Suis-je devenu fou ?
Non, simplement je suis né à la politique sous François Mitterrand et j’ai appris à mes dépends que la valeur d’un homme d’État se mesurait dans sa capacité à trahir son électorat. Aujourd’hui que Nicolas Sarkozy est au pied du mur en matière budgétaire, et qu’il est dans une telle position, la question de savoir s’il est un homme d’État se pose enfin.
J’espère donc qu’il va me démontrer qu’il est à la hauteur de sa charge !