Magazine Journal intime

Quart-Monde

Publié le 10 août 2010 par Stella

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On voit leurs tentes lorsqu’on se promène le long du canal Saint-Martin ou du canal de l’Ourcq : réfugiés afghan pour la plupart, il y a aussi des Irakiens et des déracinés qui ne savent plus eux-mêmes d’où ils viennent tant ils ont voyagé pour échouer sur ces berges caillouteuses. Sans famille, sans papiers, sans domicile, sans espoir, ils vont d’une expulsion à l’autre, espérant chaque fois qu’on ne les renverra pas dans leur pays d’origine. Alors ils se taisent, de peur qu’on identifie leur langue maternelle. Ils ne sont pas très nombreux, pas suffisamment pour mobiliser les médias mais assez pour que les ONG s’occupent de leur donner à manger.

C’était le cas hier soir vers 19 h. Un camion de traiteur s’est arrêté au croisement des canaux, de l’avenue Secrétan et du boulevard de La Villette. Deux paires de bénévoles en sont sortis, ont rapidement placardé leur autorisation préfectorale sur la carrosserie et organisé la distribution avec une étonnante efficacité. D’un coup, le carrefour s’est rempli comme par magie. Des hommes exclusivement, sortis de nulle part, s’approchant avec discrétion et l’oeil aux aguets. Sagement rangés derrière les barrières grises de la Ville de Paris, ils se sont mis à attendre leur tour sans impatience. Une fois servis, certains restaient sur place  le regard vide, concentrés sur leur bol de soupe. D’autres repartaient silencieusement, le tout sous l’oeil indifférent des gens du quartier. Seuls intéressés, quelques touristes en balade, des Japonais étonnés de cette misère française, eux à qui l’on fait payer deux euros et demi la cannette de coca.

Quant au traiteur en question, il avait décidé de recycler de cette façon ses surplus et ses restes, mélangeant tout pour faire des soupes bien consistantes, distribuées dans de grands bols en plastique. C’était une opération discrète, sans publicité si ce n’est la marque de l’entreprise sur le camion (”on n’a pas le choix, les camions maison sont tous comme ça”), sans forfanterie ni tambour ni trompette. De la philantropie, pas de l’humanitaire.


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