La justice a ordonné aux fournisseurs d’accès de bloquer l’accès aux sites de jeux illégaux, ouvrant la voie à un filtrage des contenus. La Quadrature du net fait valoir « un risque de censure collatérale d’autres sites hébergés » au même endroit.
La justice a ordonné vendredi 6 août aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) Orange, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numéricable, Auchan Télécom, et Darty de bloquer l’accès aux sites de jeux illégaux, ce qui pourrait ouvrir la voie à un filtrage d’internet.
Dans ce jugement rendu en référé par le Tribunal de Grande Instance de Paris, l’autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), récemment créée pour superviser l’ouverture à la concurrence du marché français des paris sur internet, a eu gain de cause contre les fournisseurs d’accès à internet. Ces derniers devront tout mettre en oeuvre pour empêcher les internautes français d’accéder aux sites de jeux contraires à la législation en vigueur.
Cette décision, la première du genre concernant la réglementation des jeux en ligne, devrait dissuader les sites étrangers non agréés par l’Arjel de proposer leurs services sur le territoire national et pourrait rediriger une partie des joueurs vers des sites légaux. Elle pourrait également servir d’exemple à suivre pour d’autres autorités de régulation de l’internet, comme l’Hadopi, qui pourrait ainsi faire la chasse aux divers sites pirates de partage de musiques ou de films.
« Une atteintes aux libertés individuelles »
Les associations de défense de la liberté du web dénoncent une mesure de blocage inefficace et craignent la création d’un précédent qui ouvrirait la voie à un filtrage du contenu de l’internet pouvant mettre en danger la liberté d’expression.
« Le blocage d’un site web par un fournisseur d’accès peut occasionner un ralentissement du trafic et un risque de censure collatérale d’autres sites hébergés sur le même ordinateur », explique le porte-parole de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann. « Sur un même serveur qui va se retrouver bloqué, vous pourrez trouver par exemple à la fois un site de poker non homologué en France et 100 blogs de dissidents iraniens’, a-t-il ajouté.
Les opérateurs rechignaient jusqu’à présent à appliquer les injonctions de l’Arjel, arguant de la complexité technique d’un filtrage et de la responsabilité première des hébergeurs étrangers des sites illégaux.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a rejeté toutes ces objections, jugeant que malgré l’absence de précisions sur les modalités de filtrage, la loi imposait aux FAI de « prendre toutes mesures de nature à permettre l’arrêt de l’accès au service en cause, soit toute mesure de filtrage, pouvant être obtenu (…) par blocage du nom de domaine, de l’adresse IP connue, de l’URL, ou par analyse du contenu des messages ».
Pas de dédommagement des FAI
Les juges n’ont pas non plus retenu l’argument selon lequel un décret aurait dû prévoir un dédommagement pour les FAI du coût de ces opérations techniques. Dans l’attente de sa publication, les opérateurs seront donc contraints d’instaurer à leur frais un filtrage des sites illégaux. Contacté par Reuters, l’opérateur historique Orange, filiale du groupe France Télécom et également présent sur le secteur des jeux en ligne au travers d’un partenariat avec la Française des Jeux, n’a pas souhaité pour le moment commenter la décision avant d’en avoir eu une « lecture attentive ».
Bouygues Telecom s’est également refusé à tout commentaire.
Dans un affaire similaire, les fournisseurs d’accès à Internet avaient été condamnés en juin 2005 à bloquer l’accès à un site négationniste. Cette décision avait ensuite été confirmée par la Cour d’appel. Le site incriminé, qui a ensuite changé de serveur, reste toujours accessibles aux internautes français.
Source Nouvelobs.com