Eh oui, si je vous parle d'"Inception" de Christopher Nolan, avec Leonardo Di Caprio, Cillian Murphy, Marion Cotillard, Ellen Page, Joseph Gordon-Levitt, Ken Watanabe, etc., je ne peux pas ne pas vous parler d'Edgar Poe ; non seulement pour son poème "Un Rêve dans un rêve" (A Dream within a Dream"
Je m'explique en vous en racontant la trame, paradoxalement assez simple :
Des "agents" spéciaux, spécialistes en vol de savoir intra subconscient, tentent de dérober, dans l'esprit d'un dénommé Saito, une information très importante. Une femme, Mall, les trahit et ils échouent. veut tout de même à son tour les engager afin de contraindre un héritier à démanteler les bien de son père une fois qu'il sera décédé, et pour cela, il veut que ces agents, dont Dom Cobb, à cause de qui Mall est intervenue dans leur mission, insufflent cette idée dans le subconscient de l'héritier, Fischer, ce qu'on appelle faire une inception...
Cobb accepte, car en retour, il se verra lavé de tout soupçon quant à l'assassinat de sa femme...
Et c'est ainsi qu'il monte une équipe presque neuve et prépare l'inception. Pour cela ils vont entrer, avec Fisher, dans plusieurs couches de rêves...
Vous avez vu "Matrix", "eXistence", "La Science des rêves", "D'Un rêve à l'autre" ? Vous avez lu peut-être aussi "L'Enfer du rêve" de Graham Joyce ? Vous avez aussi certainement vu les oeuvres d'Escher ! On peut dire qu'il y a un mélange de tout cela... mais pas seulement, il y a aussi cette idée du démon qui se pavane en chacun de nous et qui nous pousse à choisir le côté sombre, ce que Poe appelait le Démon de la perversité, ce petit diable sur notre épaule qui nous chuchotte les pires choses si tentantes... C'est ce que représente Mall dans le film ; je me demande d'ailleurs si le prénom n'est pas choisi pour sa ressemblance avec le mot "mal" en français... Sachant que la personne recrutée pour être l'architecte des labyrinthes oniriques s'appelle Ariane... (une référence à l'Ariane de la mythologie grecque ?)
Bref, j'ai apprécié ce film parce que j'aime les histoires à tiroirs ; et celui-là est même plus que ça ! C'est un film gigogne à tiroirs !
J'ai aussi apprécié ce film pour ce qu'il représente pour moi, parce que la nuit, je rêve énormément, j'en suis fatiguée le matin, et il m'arrive parfois de me réveiller, de prendre mon petit dèj, etc. et tout à tout, un truc bizarre arrive, et je me réveille, un peu tourneboulée, je prends mon petit dèj', etc. et je me réveille à nouveau, et là je commence à douter : est-ce que je rêve encore ou bien est-ce la réalité ? Et je me dis que c'est bien pratique, ce petit totem dont ils parlent dans le film, totem qui nous laisse toutefois un doute sur le dénouement du film. Mais je ne vous en dis pas plus... Si !
Parce que je pense que Poe a vécu lui aussi des réveils multiples pour avoir écrit "A Dream within a Dream", je vous laisse méditer son poème :
UN RÊVE DANS UN RÊVE
(traduction de Stéphane Mallarmé
Tiens ! ce baiser sur ton front !
Et, à l’heure où je te quitte, oui, bien haut,
que je te l’avoue :
tu n’as pas tort, toi qui juges
que mes jours ont été un rêve ;
et si l’espoir s’est enfui
en une nuit ou en un jour,
— dans une vision ou aucune,
n’en est-il pour cela pas moins PASSÉ ?
Tout ce que nous voyons ou paraissons
n’est qu’un rêve dans un rêve.
Je reste en la rumeur d’un rivage
par le flot tourmenté
et tiens dans la main
des grains du sable d’or
— bien peu ! encore comme ils glissent
à travers mes doigts à l’abîme,
pendant que je pleure — pendant que je pleure !
Ô Dieu ! ne puis-je les serrer d’une étreinte plus sûre ?
Ô Dieu ! ne puis-je en sauver
un de la vague impitoyable ?
Tout ce que nous voyons ou paraissons,
n’est-il qu’un rêve dans un rêve ?
A DREAM WITHIN A DREAM
TAKE this kiss upon the brow!
And, in parting from you now,
Thus much let me avow —
You are not wrong, who deem
That my days have been a dream;
Yet if hope has flown away
In a night, or in a day,
In a vision, or in none,
Is it therefore the less gone?
All that we see or seem
Is but a dream within a dream.
I stand amid the roar
Of a surf-tormented shore,
And I hold within my hand
Grains of the golden sand —
How few! yet how they creep
Through my fingers to the deep,
While I weep — while I weep!
O God! can I not grasp
Them with a tighter clasp?
O God! can I not save
One from the pitiless wave?
Is all that we see or seem
But a dream within a dream?