Un jour, j’ai craqué, j’ai décidé de me suicider socialement, de me déconnecter: j’ai jeté mon téléphone portable et j’ai vu toute ma vie prendre un grand virage pour le suivre tandis que je restais seul sur le rivage. Je n’aurais pas cru qu’on puisse être si seul sur terre. Je me retrouvais soudainement isolé au milieu d’une foule de gens qui bien qu’étant à côté de moi, étaient en train de parler à des gens qui étaient ailleurs, demandant à tout bout de champ:$
- Tu es où?
Alors qu’eux-mêmes étaient là et que leurs interlocuteurs devaient leur demander à leur tour où est-ce qu’ils étaient. A se chercher ainsi, ils n’étaient plus nulle part. Si je tentais de parler à l’un d’entre eux, il me regardait de travers en me lançant furieusement un:
- Vous voyez bien que je suis en ligne!
Ils vénéraient ce petit bout de plastique comme un dieu nouveau qu’ils priaient à longueur de journée. Il y en avait bien un ou deux qui n’étaient pas en train de téléphoner, mais ceux-ci étaient tout pâlots et je compris vite que leurs batteries étaient déchargée. Le dieu ne voulait plus parler avec eux, ils n’avaient plus prises sur la vie. Comme un alpiniste qui décrocherait en montagne, il tombait dans un abîme effroyable: celui d’être là, seul, avec la voix de leur conscience, assourdissante.