Magazine Humeur
Exhortation d'un moine aux prêtres diocésains (2) : croyez à la puissance de la prière
Publié le 13 août 2010 par Hermas
NECESSITE DE LA PRIERE
epuis un siècle, on a beaucoup parlé dans l’Eglise du rationalisme et de l’activisme. Ces notions regroupent, avec des nuances, les doctrines qui accentuent le rôle de l’homme
et sous-estiment la puissance de Dieu. Il est intéressant de se demander ce qu’elles sont devenues aujourd’hui. Pensons-nous que l’extension du Royaume de Dieu dépend de nous, de notre
savoir-faire et de notre zèle ? Si oui, nous nous transformerions insensiblement en zélateurs d’un parti, qui s’efforce, avec sincérité et dévouement, de répandre une doctrine. Croyons-nous que
l’extension du Royaume de Dieu dépend de la seule puissance de la grâce dont nous sommes les ministres ? Alors il ne s’agira pas d’attendre, les bras croisés, sans rien faire, bien sûr ! Il y a
beaucoup à faire. Il s’agira principalement d’essayer de faire le mieux possible ce que le Christ, le seul Sauveur, attend de nous. Il s’agira d’abandonner entre ses mains notre ministère et
notre avenir. Il s’agira de lui demander d’agir à travers nous, à son gré. Il y a là plus qu’une nuance. L’orientation de notre activité sacerdotale dépend de notre position face à cette
alternative : puissance de l’homme ou puissance de Dieu ? Efficacité humaine ou efficacité divine ?
On arrive ici au, second point de ma réflexion : la prière. Pour être les ministres du Christ et agir en son Nom,
pour faire ce qu’Il demande, être efficaces, porter du fruit, il faut avoir le cœur plein de Lui. Pour avoir le cœur plein du Christ, il faut prier. Le prêtre qui ne prie pas ne sera,
comme dit saint Paul qu’une cymbale retentissante. Il fera beaucoup de bruit, sans doute, mais un bruit inutile, vain, sans efficacité. La charité dont parle saint Paul est évidemment la charité
théologale : l’amour de Dieu pour nous et notre pauvre amour pour lui. Pour être un bon prêtre, il faut prier beaucoup. Non pas d’abord pour demander le succès dans notre ministère, mais pour
demander l’union au Christ, la sainteté du Christ, et tout le reste suivra au gré de Dieu. Nous n’avons pas le temps, je le sais ! Nous avons trop à faire : c’est vrai ! Les journées passent
comme un éclair : les vôtres et les miennes de la même manière ! Et pourtant ?
Pour vous donner le temps de réfléchir, je vais vous raconter une belle histoire. L’un de mes oncles est Père Blanc. Il est
aujourd’hui très âgé, mais quand j’étais enfant, il était missionnaire au Burkina Faso. Je me rappelle l’avoir vu apparaître à la maison – j’avais cinq ou six ans – avec sa djellaba blanche, sa
chéchia rouge, un long chapelet accroché a sa ceinture. Nous ne le connaissions pas, car il venait rarement en Europe. Il était jeune encore, portait une longue barbe noire qui nous amusait
beaucoup et des lunettes rondes.
Assis par terre autour de lui, mes frères et moi, nous l’écoutions raconter des histoires de serpents, de scorpions, de
voitures en panne dans la brousse, de chemins cahoteux et d’une cathédrale en planches et en tôle ondulée. Nous écarquillions les yeux de peur et d’admiration. Il riait. Il racontait l’histoire
de ses paroissiens qu’il ne visitait, pour certains d’entre eux, qu’une fois l’an, après des journées de route épuisantes dans une atmosphère étouffante, les réunions avec les catéchistes, les
retours dans sa communauté, la prière commune. Avait-il trop à faire ? Oui et non ! Il y avait mille fois plus à faire que ce qu’il était en mesure d’accomplir. Il faisait ce que le temps lui
permettait de faire, mais sa vie religieuse était équilibrée et heureuse. Aujourd’hui, il y a au Burkina Faso une chrétienté vivante qui a ses épreuves, ses faiblesses et ses limites. Mais enfin,
elle est là ! Le bras de Dieu aurait il perdu sa puissance ? Serait il moins efficace en Bohême de l’ouest qu’en Afrique ?
Pour que le bras de Dieu soit efficace, il lui faut des ministres, et pour que les ministres transmettent la parole
de Dieu il faut qu’ils soient habités par lui. Des ministres en qui Dieu réside feront des miracles, comme les apôtres. Des ministres qui ne transmettent que leur savoir et leur propre
savoir faire, même avec beaucoup de zèle et de sincérité, n’agiteront que du vent. Si nous agissons, prêchons, réfléchissons avec nos seules capacités naturelles, notre effort ne produira pas
grand-chose. Ils auront des effets proportionnés aux capacités d’un homme sincère et généreux. C’est bien, mais c’est peu. Si nous agissons, réfléchissons, prêchons en unissant nos capacités a
celles du Saint-Esprit qui habite en nous, alors nous soulèverons des montagnes, nous aplanirons les sentiers du salut. Thérèse? c’est rien, disait la Madre d’Avila ; Thérèse et Dieu, c’est tout.
Pour que le Saint-Esprit habite en nous, il faut prier. Sans ces dons, le prêtre est un homme stérile. Avec ses dons, le prêtre, aussi pauvre et pécheur qu’il soit et quelques soit les échardes
qu’il porte dans sa chair, ce prêtre la soulève des montagnes. Etre habité de l’instinct du Saint-Esprit (cette expression est de saint Thomas d’Aquin), cela change tout. Nous portons la grâce du
sacerdoce comme une fleur délicate malmenée par des mains grossières et maladroite. Mais c’est une fleur, mais c’est une grâce, et quelle grâce ! Il nous faut la protéger par notre prière et la
nourrir par une lecture spirituelle régulière.
Croire que les sacrements sont puissants au-delà même de ceux qu’ils touchent directement ; accepter que la prière et
la lecture soient les piliers de notre vie sacerdotale est notre premier devoir. Nous avons le souci de proposer à nos hôtes des livres pas trop gros, faciles à lire et de qualité,
sélectionnés parmi ceux que lisent les frères. Pour vous aider, le portier est prêt à vous en offrir. Voila l’essentiel de ce que je voulais vous dire. Accordez-moi encore quelques minutes, il me
reste à vous parler des jeunes : des jeunes prêtres et des futurs prêtres.
(à suivre)