Voici le texte de la conférence donnée par le Prieur de Notre-Dame Nover Dur, le 7 avril 2010, à des prêtres diocésains du Diocèse de Plzen (République tchèque). Tout d’abord moine à l’Abbaye de Sept-Fons, où il fut nommé Prieur très jeune, il y a plus de quinze ans, il fut nommé Prieur d’une fondation de Sept-Fons, en République Tchèque, le Prieuré de Notre-Dame de Novy Dvur.
A la demande de l’Evêque du Diocèse de Pilzen, il donna la conférence suivante aux prêtres de ce diocèse Etant donné l’importance et l’actualité des sujets abordés, qui concernent le sacerdoce, le prêtre, sa vie spirituelle, la Sainte Messe, son ministère et son apostolat, et les fidèles dont ils ont la charge et la mission d’évangéliser, Hermas a tenu à publier cette conférences dans son intégralité. Ce sont, au dire du conférencier « des thèmes essentiels ». Et ayant vécu longtemps en France, le Père Prieur connaît bien la situation en France, ce qui transparaît dans sa conférence, que l’on pourrait croire avoir été écrite pour les prêtres français. Aussi nous autorisons-nous à le leur communiquer - dans un amour commun pour le Sacerdoce en lequel nous avons été appelés. Mgr Jacques MASSONLa seconde manière de faire, à laquelle un moine est, bien sûr, beaucoup plus attentif, semble bien être celle du curé d’Ars. Si elle devenait vôtre, elle modifierait radicalement votre regard sur votre ministère, le rendrait plus facile, plus optimiste, et plus encourageant. Je m’explique. Un prêtre croit que les Sacrements ont une efficacité puissante pour les personnes qui les reçoivent : le prêtre et les fidèles qui communient à la Messe, l’enfant ou l’adulte qui reçoit le Baptême ou la Confirmation, le pénitent qui reçoit l’absolution. Mais, s’il croit cela - et il a raison – songe-t-il aussi, ce prêtre, que les Sacrements ont également dans le cadre de la Communion des Saints, une efficacité puissante pour d’autres que ceux-ci ? Une efficacité plus étendue que celle qui touche les fidèles rassemblés autour de lui ? Chaque fois qu’un enfant est baptisé, croit-il, ce prêtre, que toute l’humanité se rapproche de Dieu ? Chaque fois qu’un pécheur est pardonné, que tous ses frères les hommes sont eux aussi plus purs devant Dieu ? Si cela n’était pas vrai, à quoi, servirions-nous, nous autres moines ? A quoi serviraient tous nos efforts pour nous sanctifier, célébrer solennellement l’Eucharistie, chanter l’Office Divin, prier, presque sans témoins ? Vous avez compris mon propos ! Le prêtre – diocésain ou moine – qui célèbre chaque jour la Sainte Messe, sur qui agit-il ? Sur ses paroissiens, sur ceux qui sont dans son église, ou plus largement sur son diocèse, son pays, le monde entier, croyants et incroyants ? Chers frères dans le Sacerdoce, quand le curé d’Ars disait la Messe, au début de son ministère, dans une église vide, ce qu’il célébrait alors était aussi efficace que les dernières Messes de son existence, devant une foule nombreuse et recueillie. Ces dernières célébrations étaient le fruit visible des premières, invisiblement efficaces. Voici ce qu’écrivait le Cardinal Journée : « C’est par la présence corporelle aux hommes du Verbe au milieu de nous que le monde a commencé silencieusement d’être sauvé ; c’est par la même présence corporelle qu’il continue, silencieusement, d’être sauvé. La présence corporelle du Christ est d’abord ‘donnée’ (à l’Incarnation), puis ‘laissée’ aux hommes (dans l’Eucharistie). Incarnation et Rédemption sont deux aspects intimement connexes d’un unique mystère. La Consécration que le Christ accomplit par le ministère des prêtres (…) est au premier chef (…), son œuvre ; l’œuvre de son Sacerdoce ». Autrement dit : si nous croyons que le salut des hommes est venu quand le Verbe s’est fait chair, nous devons croire aussi qu’il se répand, génération après génération, quand le Verbe se fait présent sous les apparences du pain et du vin, pour être reçu dans la Communion, et être adoré au Tabernacle. Voilà le cœur de notre vie sacerdotale. L’Incarnation n’eut aucun témoin, sauf la Vierge Marie. Le destin du monde fut pourtant changé ce jour-là. La Sainte Cène n’eut qu’une douzaine de participants et c’est par ce sacrifice que le monde fut sauvé. Les apôtres n’avaient pas de fidèles quand ils se dispersèrent dans le monde entier. Par leur parole et la célébration des Sacrements, ils agrégèrent peu à peu les fidèles autour d’eux. La puissance de l’Eucharistie est entière, même dans un monde déchristianisé. La Sainte Messe porte des fruits, même célébrée dans une église vide. Dieu, ne nous promet pas qu’un jour nos églises seront pleines de fidèles. Des Onze Apôtres qui se trouvaient présents à la Cène, on ne sait, pour une bonne moitié d’entre eux, où se trouvent leurs réalisations. Dieu nous promet seulement que notre ministère sera invisiblement fécond, et à la mesure de notre amour pour Lui. De ces vérités découlent quelques conséquences, en particulier le devoir que nous avons de célébrer dignement. Si, avant et après la Messe, le prêtre peut et doit avoir souci de son troupeau, et le moine, souci de son travail, pendant la Messe, la seule chose qui doit retenir notre attention, c’est le mystère que nous célébrons. Peut-être pourrions-nous avoir aussi une plus grande estime de l’action de grâce… "Omettre l’action de grâce, écrivait le Père Jérôme, c’est faire une perte notable par une grave erreur de tactique spirituelle. En effet, lorsque Notre Seigneur vient en nous sacramentellement, il nous apporte une nouvelle capacité de foi et d’amour. Il faut donc immédiatement faire des actes de foi et d’amour pour Dieu, afin d’utiliser cette nouvelle capacité dans le moment de sa nouvelle fraîcheur… Ne pas employer à la prière, le moment où la prière a toutes les chances d’être particulièrement aidée, c’est une grande perte."
(À SUIVRE)