Bouffer dormir bosser, inlassablement, pour ignorer la réalité de l'endroit, manger jusqu'à sentir la graisse déborder des oreilles et couper le son, jusqu'à ce que l'huile noie les yeux, ne parler à personne et se racler, récurer, poncer la peau jusqu'à l'os au savon chirurgical. Oublier jusqu'aux sensations. Froisser les draps, traîner les pieds, s'enfermer dans une cabine de douche anonyme et dissoudre toutes les idées. Négliger jusqu'aux sentiments. Traverser, impassible, sans même chercher à compter les jours, sortir le sourire comme un flingue, mécaniquement. C'est pas triste, c'est rien tu sais, c'était prévu comme ça - trente jours crevés contre les moyens de vivre au moins une partie des trois cent trente cinq autres. Donnant donnant. Une alliance tacite avec le monde d'aujourd'hui. Il y a seulement ce petit ver mesquin qui hurle de rire : putain ma vieille, tu boursoufles comme un bon vieux temps. Merde alors, ne me fais pas ce coup là. Pas l'enflure. Pas l'expansion coriace. Pas l'image terrible de l'enfant qui prend tellement de place qu'aucun miroir n'est jamais assez vaste. Hé, petite pute, arrête donc cette main traître qui porte aux lèvres, monte à la gorge, avant de devoir tout recommencer depuis le niveau zéro. Bang bang. Les mains dans le dos, bouche contre terre, et crache si tu peux encore.