Magazine Journal intime

les vieilles dames

Publié le 14 août 2010 par Moinillon

Pour débuter le carême de la Dormition (qui dure donc jusqu'à la Dormition : 15/28 août), un texte un peu triste, mais si juste. Si juste, mais si éloigné de la réalité quotidienne que vivait Mère Magdalena — décédée il y a juste un an à Gethsémani — (voir billet précédent) !

старушкаAvez-vous vu sautiller, le dimanche, ces vieilles dames enchapeautées, tenant entre leurs doigts, serré comme l’anneau de la félicité, le bolduc coloré de la petite boite des gâteaux qu’elle viennent d’acheter ?
Elles ont revêtu leurs plus beaux habits, ceux qui dans l’armoire, sentent la naphtaline, et, sortant de l’église, se rendent chez l’une ou l’autre oublier pour un temps la morne solitude.
Elles parlent, elles parlent, elles portent en elles la frayeur d’avoir oublié les mots, ceux qui disaient « aimer », ceux qui disaient « c’est beau ! », ceux qu’elles murmuraient et ceux qu’elles retenaient en elles, comme des joyaux enchâssés dans leur cœur trop gros.
Elles ont mis leur collier de perles blanches, celui des grandes occasions, leurs cols sont empesés et leurs talons usés claquent sur le pavé.
Vous vous êtes retournés, elles sont trop apprêtées ?
Vous avez oublié les dimanches passés, ceux du repas familial pris au jardin l’été, chez une grand-mère dont c’est la seule clarté !
Elles, leurs compagnons ont quitté le chemin.
Alors, elles marchent seules, ne pouvant faire demi-tour, elles vont droit devant, s’accrochant à l’amie, la voisine ou la sœur, faisant semblant de croire que, battant sous le chemisier repassé, elles ont encore un cœur.
Elles entendent moins bien. Au début, elles d’accrochent, restent dans le peloton et s’évertuent à suivre toute conversation. Mais, peu à peu le pas se fait plus lent, la parole se cherche et lorsqu’enfin le mot juste est sur le bord de leurs lèvres fardées, il y a bien longtemps qu’on ne les écoute plus !
Elles restent là, sur le côté et regardent passer tous ceux qui espèrent encore gagner !
Fantômes entrevus par un matin de juin, elles me renvoient l’image de la photo future, celle que je ne puis encore vous décrire, celle dont je ne sais rien.

http://megenbleu.canalblog.com/archives/2009/10/10/15373853.html
Extrait de L'album Photo éditions THOT


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