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Exhortation d'un moine aux prêtres diocésains (3) : Soyez un et visibles !

Publié le 14 août 2010 par Hermas
Amitié et visibilité l.jpg es jeunes qui vivent autour de vous, dans vos paroisses, ceux que vous croisez dans la rue et qui n’entrent jamais a l’église ressemblent, sans aucun doute, a ceux qui fréquentent l’hôtellerie du monastère. Près du quart de notre communauté et les quatre derniers frères qui sont rentrés à Novy Dur sont des convertis. J’ai moi-même fait l’expérience d’une conversion. Ne croyez-vous pas que ce soit encourageant ? Même quand les églises sont presque vides, Dieu peut attirer au séminaire ou au monastère des jeunes qui ne sont pas passés par la voie habituelle de la vie chrétienne. Comment sont ils, ces jeunes ? Enthousiastes, impulsifs, individualistes et souvent égoïstes; parfois blessés dans leur affectivité, hypersensibles, instables, souvent angoissés, assoiffés de discipline et désireux de Dieu, sincères et généreux. Je me rappelle il y a 15 ans, j’était alors jeunes Prieur de l’abbaye de Sept Fons. Arrive au monastère un jeune homme tchèque de 20 ans, brillant, extrêmement sympathique, mais totalement déstructuré. Il revenait d’un voyage en Inde, n’avait pas fait d’études, ne savait pas si il était ou non baptisé. Le père Maître des Novices me dit : « Si nous voulons que nos monastères soient vivants dans quelque années ils nous faut être capables de parler à ces garçons-là ». Il est évident que former à la vie sacerdotale de pareils phénomènes ne peut se faire de la même manière qu’il y a 50 ans. Ce n’est pas notre responsabilité ; nos évêques s’en occupent. Mais il y a quelque chose qui dépend de nous : c’est une certaine forme d’amitié et une visibilité. La visibilité, c’est pour les futurs prêtres ; l’amitié, ce sont les jeunes prêtres qui en ont besoin.  Je dois maintenant aborder une question délicate, peut être encore plus délicate en France qu’ici. Mais peut on construire une véritable relation sans dire la vérité et sans l’entendre ? Dès lors, voici : je ne comprend pas pourquoi vous vous cachez. Nous vivons dans un pays maintenant libre. Je ne comprend pas pourquoi on ne voit plus de prêtres dans la rue. On vous voit dans vos paroisses, là ou vos fidèles vous connaissent. Mais pourquoi quand vous allez faire vos courses, quand vous sortez, ne voit-on pas le plus souvent que vous êtes prêtres ? Ne pourriez vous pas offrir aux incroyants désorientés qui vous croisent – j’en fus autrefois – et aux jeunes que Dieu appelle a vous rejoindre, le réconfort que représente la vue d’un prêtre ou d’une religieuse, fiers de l’être et de se montrer tel ? Je sors très peu de ce monastère, mais toujours en habits. Très souvent, j’entend : «  Merci mon père, on ne voit plus de prêtres ! » Du seul point de vu publicitaire, pour un prêtre ou un religieux, sortir dans la rue sans signe distinctif est une option désastreuse. Les jeunes ne seraient ils pas plus sensibles aux appels discrets que Dieu met dans leurs cœurs s’ils vous voyaient ? Je ne pense pas qu’aux jeunes de vos paroisses. Je pense aussi à cette multitude qui cherche Dieu sincèrement, qui vit loin de l’Eglise et qui pourrait, avec grand profit, parler à un prêtre, dans un bus ou sur le parvis d’un supermarché. En outre, et c’est encore mon expérience, l’habit monastique, un col romain fièrement portés, empêche d’acheter d’importe quoi, de se conduire n’importe comment, de regarder n’importe qui. J’espère que je me suis fait comprendre. Le dernier point de ma réflexion se voudrait réconfortant. Parlons d’amitié. Des séminaristes, des diacres et de jeunes prêtres passent nombreux au monastère. Ils sont, dans notre pays, beaucoup plus nombreux qu’en France. Tous disent qu’ils vivent trop seuls. Quand un jeune est trop seul, il va se promener sur internet, et pas toujours sur le site du Vatican ! Et après internet, il cherche de la compagnie. Les jeunes ont besoin d’être soutenus, conseillés, entourés, au moins jusqu'à 40 ans. Un jeune prêtre trop seul ou bien abandonne sa vocation, ou bien se durcit et se déséquilibre. Toute sa vie durant, le curé d’Ars s’est entouré de prêtre, de religieuse et d’amis. Nous autres moines, nous vivons en communauté. Ce n’est pas toujours facile ! Dans un monastère, la vie commune est une ascèse plus rude, de beaucoup, que le lever à 3 heures du matin et du silence. Mais, sans relation fraternelle cordiale, il est impossible de dire et d’entendre ce qui ne va pas dans nos vies. Et si nous ne savons pas dire et entendre cela, alors nous sommes livrés à nos pentes les plus blessées. Un prêtre a besoin d’amitié. Je ne pense évidemment pas à ces amitiés affectives qui, au contraire, peuvent gravement déséquilibrer un vide sacerdotal. Je pense à l’amitié entre confrères pour la même vocation, qui tendent vers la même fidélité, qui ont des responsabilités communes, qui peuvent partager leurs difficultés et leurs expériences. Vous avez, je pense, compris pourquoi je tremblé de vous parler. Quand je prie pour vous, même si ma prière est sèche, purement volontaire et un peu inattentive, je crois que Dieu en démultiplie la puissance presque à l’infini. Je suis à ma place de moine. Mais quand je vous parle … je n’ai pour ce faire aucun mandat, aucun charisme assuré, aucune grâce promise. La tache d’un prieur, au fond, est plus enviable que celle d’un évêque. Nous avons une règle, celle de saint Benoît, et une tradition qui a fait ses preuves pour l’interpréter, fidèlement transmises depuis nos Pères du premier Cîteaux. La Règle, j’essaye d’abord de la vivre, puis je l’enseigne. Si le frère veut la vivre, aussi pauvre qu’il soit, aussi pécheur, aussi maladroit … Dieu bénit ses efforts. Si il ne veut pas la vivre, il s’en va et nous restons bons amis. Je vous ai parlé avec la même sincérité qu’à mes frères, avec la même affection fraternelle. Si vous m’écoutez de la même manière, grâce à votre bonne volonté, Dieu passera à travers mes pauvres paroles. Bon courage donc. La fidélité est toujours une voie étroite, mais elle conduit au bonheur. Elle est le bonheur. Excusez moi si j’ai été trop long. A 11 heures nous célébrerons la messe autour de notre évêque. Tous les prêtres de Novy Dur offriront la messe d’aujourd’hui à vos intentions. Il y a 10 ans, il n’y avait ici qu’une ruine. Ayons confiance, le bras du Seigneur a gardé sa puissance. Que notre vie cachée et notre prière vous obtiennent d’y croire et nous obtiennent a tous de vivre notre vocation avec fidélité.

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