Omaha beach

Publié le 15 août 2010 par Elb

La méduse, nouvelle coupe de l'été ?

Durant mon enfance, les vacances étaient aussi synonyme de devoirs. Chaque année, au début de l'été, ma mère m'offrait un grand cahier joliment décoré de soleil, de plage et d'enfants heureux. Mais on me la faisait pas à moi, je savais très bien que ce cadeau n'avait rien de ludique, qu'il était synonyme de dictées stupides et d'exercices qui se voulaient d'actualité : combien faut-il de coquillages pour faire 2,5 kg, sachant que chacun pèse 125 grammes ? C'est vrai que sur la plage les enfants ne trouvent que des coquillages de 125 grammes. Ce doit être à cause des normes sanitaires...
Moi cela me donnait donne juste envie d'aller faire un tour sur la plage et éventuellement, pour prouver ma bonne volonté, je voulais bien en profiter pour vérifier le calibrage des mollusques.
Bref, c'était pénible et énervant pour tout le monde.
Aujourd'hui il semblerait que le devoir de vacances n'est plus considéré comme indispensable...En tout cas c'est le discours que me tiennent mes enfants, confirmé par ailleurs par des amis profs.
Quand je pense à ses heures de vacances gâchées, ça me fout en rogne.
J'ai néanmoins gardé l'habitude de réviser mes devoirs durant l'été : dodo, bronzette, apéro, fiesta, dans l'ordre et le désordre .
Mais pas de façon forcenée : l'excés tue l'envie et le plaisir. Cette maxime a guidé avec succès toute ma scolarité. 
J'en profite aussi, durant ces quelques jours où j'ai officiellement le droit de coincer la bulle, pour lire ou relire quelques classiques. En ce moment par exemple je termine Spartacus d'Arthur Koestler. C'est facile à lire et l'histoire est épique.
Pour bouquiner et boucaner au soleil, c'est parfait.
L'été donc, c'est la plage, le soleil un peu, le sable beaucoup, la mer qui va jusqu'au pied du ciel, et surtout  des nuées d'enfants qui hurlent plus fort que les mouettes. "La jeunesse, c'est l'avenir". Je trouve cet adage hors d'age  puisque l'avenir de tous est forcément la vieillesse, et que pour certains chenapans le plus tôt serait le mieux.
Délaissant Spartacus sur les pentes surchauffées du Vésuve, j'observais un instant le rejeton laid et crémé d'une famille d'estivants posés non loin de moi. De même que la horde de gladiateurs décimant le sud de l'Italie, le garçon avait quelques aspirations belliqueuses. Son château de sable en forme d'étoile de la mort était hérissé de tours, de pieux, entouré de douves. Je pense qu'il devait y avoir également quelques pièges à loups cachés sous le sable, ainsi qu'un système d'autodestruction à base de bombe chimique irradiante en cas d'extrême urgence. Manifestement de la belle ouvrage. Il protégeait hargneusement ce plagiat de Vauban des tentatives d'intrusion de sa petite soeur qui comptait ajouter une touche féminine à l'édifice en le décorant de quelques coquillages, non calibrés puisque ce n'est plus d'actualité. 
Puis notre Vauban plagiste se concentra sur un pauvre petit crabe qui aurait mieux fait d'aller serrer la pince de ses potes plutôt que d'imiter Aldo Maccione sur cette plage.Je me demandais si il y avait une limite d'âge pour l'application de la Convention de Genève en le regardant tripoter de plus en plus violemment ce joli petit crabe vert bientôt mort. Avec l'application d'un médecin SS, il testait consciencieusement le point de rupture des membres du crustacé, la solidité de la carapace, la réactivité de ses yeux.
Mais peut-être voulait-il simplement lui enlever les pattes pour le transformer en petit gâteau et l'offrir à sa petite soeur épatée? Peut-être aussi collectionnait-il les dents de ses petits camarades à l'école ?
Une méduse échouée attira l'attention de la petite fille qui alerta aussitôt l'entourage. Très vite se forma un attroupement d'enfants excités, de maman horrifiées portant leurs petits  comme si ils venaient d'échapper aux dents de la mer, de pères blasés. Et chacun d'observer et commenter l'agonie de la pauvre bête, mais aucun pour s'en émouvoir.Les plus hardis tâtaient même son dos avec un bâton, histoire de lui faire comprendre que l'on ne l'aimait pas et qu'elle n'avait rien à faire ici.C'est vrai quoi, pourquoi les méduses viennent-elles gâcher nos vacances en se baignant elles aussi dans la mer ? Si elle venait pour faire carrière à la télévision comme Paul le poulpe ou Bob l'éponge, elle n'avait manifestement pas prévu tout ceci et en restait comme un rond de flan.Seul un couple de vieux retraités semblaient peinés par le sort de l'animal. Leur statut de rescapé de temps immémoriaux les rapprochaient vraisemblablement.
Cet évènement retira le petit Adolf du centre de l'attention et je le voyais lorgner avec un sale oeil sur sa petite sœur source de sa déchéance. J'avais l'impression qu'il songeait en la regardant à entamer une collection d'oreilles...
J'hésitais un instant à m'approcher de sa proie pour la mettre en garde, mais toutes ces émotions eurent raison de mon attention et je laissais le marchand de sable me régler mon compte sur cette plage cruelle.