Petits matins chiffonnés

Publié le 17 août 2010 par Yelyam

D’abord tu ouvres les yeux. Les dernières images de ton rêve disparaissent de ta mémoire. Il n’était pas agréable, alors tu n’as pas de regrets.

Ensuite, tu te souviens de qui tu es. Ton état aussi. Le sommeil t’avait emmené dans un ailleurs pas forcément meilleur. Mais différent. Et en soi, c’était reposant de pas toujours ressasser les mêmes pensées obsédantes sur ta vie, tes ratés, tes décalés, tes mochetés.

Vient le moment où il faut que tu te donnes le courage de pas rester là, couché. Ça prend trois secondes ou cinq minutes. Parfois plus longtemps. Certains jours même, tu n’y arrives pas et tu restes de longues heures au fond de ton lit. Mais la plupart du temps, tu finis par te dire que debout ou couché, ça change rien à ton état et que ne pas te lever c’est encore plus compliqué, parce qu’il faut expliquer.

Tu te lèves, tu files sous la douche. Parfois t’as même pas envie d’en passer par là. Mais tu sais qu’il faut un peu se forcer, que ceux qui vont plus mal que toi, c’est ça qu’ils laissent tomber en premier : la propreté. Que donc tu t’y accroches comme à une bouée. Tu réfléchis même pas aux bienfaits de l’eau sur ton corps, ni aux extraits de vitamines dans ton gel douche, ni aux bénéfices de l’huile essentielle, et toutes ces bêtises.

Non, tu te laves, parce que tu sais que c’est le dernier élément qui te garde du bon côté.

Après la douche, faut t’habiller, pour affronter le monde et ses tarés. C’est un moment important. Tu n’en as rien à faire, tu pourrais tout aussi bien t’habiller comme l’as-de-pique, pour ce que ça a d’importance… Tu pourrais même ne pas t’habiller du tout, ou sortir en pyjama. Mais y a comme un éclair de lucidité qui te dit que si tu fais ça, tu empireras encore ta situation. Que pour l’instant tout va mal dans ta tête, mais que les autres ne le savent pas, ne le soupçonnent pas. Y a que toi qui le sait que t’es loin et c’est ton petit secret bien gardé, bien caché et que t’es pas prêt à partager.

Alors tu fais un énorme effort pour être très bien habillé. Tout bien accordé.

Quand c’est fini, t’es fier de toi. Tu te dis que t’as réussi à avoir un semblant de normalité, que tout ne va pas si mal dans ta tête, que de trouver si beau, si élégant et sentant bon, te fait même te sentir mieux, au fond…

Mais là, tu te souviens que tu ne va pas bien et tu te rappelles pourquoi.