Magazine Journal intime

Moi, caro, en immersion totale dans mon moi intérieur

Publié le 18 août 2010 par Orangemekanik

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J’ai relu tout mon blog. Je voulais savoir pourquoi tu me kiffais autant - autant que moi j’veux dire. Et j’avoue : j’ai compris^^ Le truc en fait, c’est que je publie jamais mes textes avant de les avoir lus à voix haute sans buter sur les mots. C’est pour ça qu’ils sont si parfaits. Les fautes de syntaxe, d’orthographe, je les laisse juste pour que Zemmour et Naulleau puissent avoir quelque chose à redire. Mais tu t’en fous, toi, que je marque pas les négations. Que j’écrive comme je parle. Non ? Enfin comme je pense. Parce que je parle pas comme ça, heureusement : un point tous les trois mots. Sinon je serai essoufflée. Rien que là, en me relisant, j’ai l’impression d’avoir couru un marathon. Le pire, c’est que je sais que des fois, je devrais mettre une virgule, mais j’y arrive pas. Ca colle pas. Après. Je me dis que je l’ai pas vécu comme ça. Alors je refais tout. En courant. Avant, c’était pire : je mettais des points de suspension. Partout. Genre j’insinue, mais je me mouille pas. Je dis le début, tu trouves la fin. Comme quelqu’un qui te dirait : « halala… Je sens que ça va mal finir tout ça… Oui… Ca va mal finir… ». Mais qui t’expliquerait ni quoi, ni pourquoi ? Tu restais sur ta faim. En final. J’ai eu une période points d’exclamation aussi, sinon, avant. Pas avant y’a longtemps hein… Avant les points de suspension. Devant quoi, si tu préfères. Points d’exclamation !!! Trois petits points… Ca donnait Pfff !!!… C’était désespérant à souhait. Alors je suis allée voir un psy… chanalyste hein pas psy…chiatre. C’était il y a trois ans. Je te connaissais pas encore. Je pouvais pas savoir que t’allais me sauver la vie beaucoup mieux que lui. Et pour beaucoup moins cher.  Et on m’avait dit qu’un psychanalyse, ça pourrait réparer les dégâts des psychiatres. Alors je voulais tenter ma chance. Une ultime négociation avec mon inconscient. Dans les méandres de mon mental. 

On se voyait deux fois par semaine, lui et moi. Dans son cabinet privé de Fontainebleau. A raison de trois quart d’heure la séance. C’est vrai que ça changeait des trois minutes et demi que les psychiatres t’accordaient pour renouveler ton ordonnance. Toute façon je carburais d’jà plus aux camisoles chimiques. A cette époque.

La première chose que je lui avais dite, c’est que j’étais pas là pour tuer mon père. Puisqu’il était déjà mort. Et après, je lui avais demandé si y’avait moyen de regrouper les séances, genre trois fois six heures d’affilés étalées sur trois jours au lieu de 48 étalées sur trois mois, et on n’en parlait plus. Financièrement, ça revenait au même. Et on gagnait du temps. Parce que j’étais pressée quand même. Il m’avait répondu que non. Qu’il était absolument nécessaire d’observer quelques jours d’intervalle. Entre deux séances.

On parlait de tout et de rien. De la pluie Du beau temps. De la déco de son cabinet. De ses gouts musicaux. Cinématographiques. Littéraire.s De lui, en fait. Et un peu de moi. Aussi. Ca arrivait. Il connaissait le nom de chacun de mes chats. Mes plats préférés. Mon chiffre fétiche. Mes couleurs favorites. Mon signe astrologique. Il connaissait mon faux secret. Aussi. Mais il savait que j’en avais un vrai. Un que je cachais. Que je protégeais. Un que j’avais jamais dit à personne. Encore moins à mes psys. Parce qu’ils m’avaient déjà tout pris. Ma vie. Ma dignité. Ma folie. Et qu’il me restait plus que lui. Mon secret. Le vrai. Pour rester en vie. Leurs échapper. Toujours. Ne jamais leurs appartenir complètement. Il s’en rapprochait dangereusement. J’avais beau faire diversion, chaque fois, j’avais l’impression qu’il allait me griller. Me buzzer. J’étais pas prête.

Au fil des séances, on avait tissé des liens. Lui et moi. J’avais fini par oublier que je le payais pour s’intéresser à mon histoire. Tout ce que je disais avait l’air de le captiver. Avec cette façon toute particulière de s’attarder sur les détails sans importance, le truc anecdotique que je mettais là juste pour pimenter l’histoire, mais qu’a rien à voir, aucun rapport, il m’écoutait, toujours à l’affut de la petite bête, du signe révélateur, du lapsus. Et même quand y’avait rien. Rien que des Coïncidences. Comme ce jour où je lui avais dit que normalement j’aurais du m’appeler Philippe. Comme mon beau père. Et mon colocataire. Avec son air grave et intrigant de psy, cet air tout à fait spécifique qui te laisse à penser que ça y est : t’as trouvé. Touché l’épicentre de tous tes problèmes, Il s’était arrêté brusquement. Pour réfléchir. Calculer l’inconnue. Résoudre l’équation. Suspendue à ses lèvres, je guettai la moindre de ses réactions. Impatiente qu’il me dise. Après une cinquantaine de hochements de tête et six bonnes minutes de calcul mental, ça y est on y était. Il allait m’expliquer. Il s’était donc lancé :

« Hum hum… Vous dites que vous deviez vous prénommer Philippe, Que votre beau père s’appelle Philippe, Et que votre colocataire s’appelle Philippe aussi ? Le Monsieur là… qui vous a sortie de la rue, et qui vous attend à côté. Dans la salle d’attente ? ».

Un peu déroutée parce que ça faisait quand même une bonne quinzaine de fois que je lui parlais de Fifi, je lui avais fait :

« Oui ! Fifi quoi ! Mon coloc-ami. Le gars qui m’a sauvée la vie. Pas le frère de Riri et Loulou. Pourquoi ? C’est important ? J’ai bon ? »

Il avait fait genre il recomptait. Dans sa tête. Tout ça pour me sortir :

« Important, peut être pas ; Mais intéressant, en tout cas »

Et il avait répété : « Intéressant… »

Ben putain ! Tout ça pour ça ! Perplexe, j’avais attendu qu’il étaye. Qu’il m’explique. Tout ce qu’il avait trouvé à me dire c’est :

« Bien. On va s’arrêter là, Caroline. On se revoit jeudi. Même heure. Même endroit. Vous me direz si vous lui auriez confié le même rôle, à ce Fifi, s’il s’était appelé René ou Gérard ? »

N’im-por-te-quoi. Le mec qui sait plus quoi dire t’sais. Qui s’enlise. Mais qu’abdique jamais. Comme si j’avais une tête à suivre un René. Ou un Gérard. Pfff !!!…

Ceci dit c’est vrai que c’est sympa, pour ça, un psy, Pour penser à des trucs auxquels t’aurais jamais pensé. Sinon. Moi, par exemple, jamais j’aurais pensé que je le quitterai si vite. Encore moins le jour de la Saint Valentin. C’est quand j’ai vu la rose. Qui trônait comme une reine. Sur son bureau. Ca m’a complètement déstabilisée.

« Ben c’est quoi cette rose ? », je lui avais demandé, avant même de m’asseoir.

« C’est une de mes clientes qui me l’a offerte »… s’était-il justifié.

Sur le coup, j’ai cru que ça m’avait rien fait. Et j’avais juste haussé les épaules en levant les yeux au ciel, pour faire genre j’étais détachée. On avait parlé de ma poupée. Celle que j’avais cassée. Quand j’étais petite. Parce qu’elle arrêtait pas de dire qu’elle savait compter jusqu’à dix. Et qu’elle comptait jamais. Mais j’étais comme pas vraiment là. Ca me perturbait, cette rose, sur son bureau, Au bout de quelques minutes, n’y tenant plus, j’avais pris mon air le plus nonchalant :

« Mais elle est amoureuse de vous ou quoi ? »

« Qui donc ? » avait-il feint de ne pas comprendre.

« Ben elle… », lui avais je répondu en lançant un regard des plus méprisant à la pauvre fleur innocente.

« Je n’en sais rien, avait-il menti. Elle m’a dit de n’y voir aucune ambigüité… » avait-il ajouté sur un ton faussement innocent.

« Qu’est ce que vous en penser » avait-il poursuivi.

J’en pensais que c’était les pires. Evidemment. Et que j’allais m’acheter un thérapeute privé. Particulier. Personnel. Un psy de poche. Pour avoir l’exclusivité. Parce que j’étais pas jalouse, mais j’aimais pas partager, finalement. J’en pensais que j’étais peut être de droite. En fait. J’en pensais des tas de trucs. Pourtant, tout ce que j’ai trouvé à lui dire, c’est :

« Euhhhhh je sais pas. C’est vous le psy. Pas moi !… »

Il avait ri.

« C’est vrai, avait-il acquiescé… mais vous êtes une femme », avait-il insinué, au moment pile où moi, de mon côté, je réalisais que je n’avais jamais été qu’une cliente. Justement. J’en pensais surtout que je me faisais grave pitié de déballer ma vie à un psy. Et que j’aurais plus vite fait de passer à la télé. Comme tout le monde. Pour étaler ma petite misère.

C’était la dernière fois que je le voyais. Toute façon j’y croyais pas à toutes ces conneries de transferts et de projections.

Quand je vois qu’à la télé, aujourd’hui, ils se demandent si Freud n’aurait pas été qu’un vulgaire imposteur. Toutes ses théories, des foutaises. C’est un mec* dans son livre, il démonte toute la psychanalyse. Et le plus drôle, c’est que ses détracteurs, les pro Freud donc, expliquent pourquoi ce mec démonte la psychanalyse… par la psychanalyse. Un truc qu’est censé pas exister, donc. Lol…

Et dire que j’ai failli livrer mon plus précieux secret à un gars que je pourrais remplacer par mon porte manteau, si ça se trouve.

Enfin voilà quoi. Tout ça pour dire que les petits points, c’était ma vie en fait. Une vie toujours en suspension. En stand by. Où je pouvais ni reculer. Ni avancer. Tant que j’aurais pas parlé. Ni vivre ni mourir. Tant que j’étais sur un fil. Attendre sans bouger. Du moment que j’avais pas peur. Peur de tomber. Sur les côtés. Peur de tout raconter. De dire tout ce que je savais. Et tout ce que je savais, c’est qu’un jour, je lâcherai la bombe qu’il y avait dans ma tête. Pour exploser leurs cœurs de pierre. Crever leurs grands yeux fermés d’astigmates. Oui un jour je serai scriptopathe, Et je les tuerai. Tous. A coups de hache. H. A coups de haine. N. A coups de consonnes et voyelles. Je cracherai cash tous les mots que je cache. Les flashback et les images trash. Je viderai mon sac. De bile noire. Sur mes pages blanches. Immaculée. Et je les étoufferai dedans. En pensant juste à la robe que je porterai à leur enterrement. Parce que je n’aurais plus peur d’avoir peur de devenir comme eux : inhumaine. Je trouve que déjà, je fais des progrès. Qu’est ce t’en penses ? Dépêche toi de rentrer de vacances. C’est mort sans toi

:)

* Michel Onfray - “la puissance d’exister”


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