Un soir de novembre. Pour la première fois depuis mon arrivée à Paris, je prends le temps de me poser, de prendre du papier et d'écrire.
Dehors, il pleut. Dedans, Stacey Kent chante "What a Wonderful World". Ma cigarette se consume dans le cendar, et les mots se couchent sur le papier, seuls, moins vite que je ne le voudrais.
Je m'arrête. Regarde la pluie. Regarde le Panthéon, gros dôme fier sous ce ciel typiquement parisien, pas vraiment d'encre, d'où tombe cette pluie si douce et si mélancolique.
Mon arrivée sur Paris ne fut finalement pas aussi facile que je l'aurai crue, en fin de compte. Le glamour et la facilité qui doraient la période où j'y habitais ne sont définitivement plus là. L'anonymat est plus pesant que je ne l'avait imaginé. La solitude aussi.
C'est une crise, un mardi, qui m'a fait prendre conscience de tout ça. Une nuit agitée, un reveil en sanglot. Et même plus de quoi acheter un ticket de métro.
J'appelle C&T. Je veux rentrer à ma maison, dans mon village. Paris est un fiasco. Un véritable et fantastique fiasco : mon boulot est une arnaque, ma vie parisienne n'a plus rien à voir avec ce tourbillon de sexe, de privilèges, de couture et d'hommes riches que je vivais à l'époque.
C&T me manque atrocement. Lille me manque atrocement. Arriver dans un bar où, quoi qu'il arrive, on me trouvera une table, retrouver mes amis sur un simple coup de tête, déambuler parmi ces murs à l'architecture tant adorée, ces soirées à l'extérieur plus nombreuses que celles passées dans mon appartement ; tout ça, me manque atrocement.
Alors, je suis rentré. A Lille. En larmes.
Bien sûr, tout cela ne fut que passager.
Aujourd'hui, ce soir, cette nuit pas vraiment d'encre, je suis tout seul dans ce petit appart' que j'adore déjà ; et la plume me revient.
Du jazz dans mes enceintes. Mon Manolo trônant sur ces enceintes. La pluie sur le Panthéon, de la San Pellegrino sur la table, et ma cigarette qui est maintenant totalement consumée. Au sol, des sacs Marc Jacobs, BHV et Galeries Lafayette, sur ma chaise A Nous Paris, mon passe Navigo et une paire de Converses.
Sur les murs, les reflets de ma lampe rouge flambant neuves dansent. Six bouteilles de vin vides qui jonchent le sol de la cuisine. Il y a plus de vin consommé entre ces murs que quoi que ce soit d'autre. Dans cet appartement déjà si parisien, je me sens finalement délicieusement bien.
"C'est un appart' à chouille" ont déclaré O. et L. le soir de mon installation. C'est prévu.
Stupeur. Je réalise que dans quelques semaines, j'aurai 25 ans. J'habite seul, sur Paris, alcoolo notoire, ruiné mais bien sapé, marié à un homme que j'aime profondément -avec qui, néanmoins, les relations sexuelles sont aujourd'hui difficilement consommables - et je vais avoir 25 ans.
Ben finalement, ça va. Paris, ça va. Il m'aura fallu un peu de temps pour me réacclimater, mais... ça va. Alors, c'est vrai, je ne suis pas Parisien. Je ne suis plus Lillois. Je suis un Lillois-Parisien, qui va bien.
Crédit photo : Timothée Peignier/Stock Exchange