Etretat, soleil couchant - Claude Monet -
Le temps ravit les jours anciens,
Les mois les heures les années.
Ce que je suis ne sera plus.
Je ne puis revenir aux lieux ensevelis
Aux maisons froides, aux jardins morts.
Je dirai sur la splendeur étale des plaines
L'horizon où s'enfuiraient les nues.
Je suis la terre et le déclin des branches,
Le chant l'oubli du chant la parole déprise,
Sollicitude sans emploi, mains aux ressources vagues
J'ai connu la douleur l'espérance la joie.
Le temps ravit les jours anciens
Les mois les heures les années
Ce que je suis ne sera plus.
Tristes oiseaux craignant le froid
Les jours défilent puis se rompent.
La mort se cache dans le soir
Quand la lampe faible s'allume.
S'en reviendront l'hiver et les pas étouffés
Par la neige immobile, sur les trottoirs.
L'heure pâlit à la fin de l'été
Lorsque la terre bâille et fume.
Le temps ravit les jours anciens
Les mois les heures les années.
Je n'étais rien, le temps me dilapide.
Philippe Delaveau - Anthologie - La poésie lyrique - Bibliothèque Gallimard n° 91 -