Baldéric

Publié le 19 août 2010 par Banalalban

Nous étions des enfants comme les autres, ni plus ni moins. Nous aussi nous jouions. Il y avait les longs champs stériles ornés d'ocre rouge dans lesquels courir, les près brûlés où jouer à cache-cache, les vieilles balançoires rouillées où tourniquer, les forêts incendiées pleines de cendres carminées et la grange du fermier Firmin dans laquelle éventrer Manon.

Tout n'était que dérisoire, futile, sans conséquence : nous ne nous inscrivions dans rien de vraiment concret et rien de vraiment concret ne nous touchait alors.

Le monde extérieur était ce qu'il était : en aucun sens il ne nous affectait. Peut-être et sans doute était-ce le fait d'habiter un petit village perdu de campagne, peut-être était-ce le fait que les adultes nous protégeaient à leur façon des événements qui ne nous étaient pas dûs, peut-être et très certainement était-ce le fait que nous nous foutions de ce qui nous entourait : nous étions hermétiques à cette étrange fin du monde...

Tous sauf Manon, qui jour après jour se voyait le ventre ouvert et les entrailles offertes à mesure que nous l'éventrions.

Ainsi passait le temps.


C'était l'enfance.