Magazine Journal intime

L'hiver au violon.

Publié le 19 août 2010 par M.
L'hiver au violon.Dans la panse avachie, dans les bajoues tremblantes, on voit la peur de manquer. Dans les poignées de graisse, celle d'être perdu, anéanti, oublié - celle que personne ne pense à vous rattraper quand vous passez par dessus bord, le nez dans la flotte. Je siffle le brouillard givrant, il y a du soleil dans ce que tu écris pendant que je dors et ça tient chaud dans le petit matin humide. Les vieilles guenilles, les enfants polis, meurtris, rapiécés, me tombent dans les bras et me caressent la main. C'est vrai que je garde tout, jusqu'à me couper le souffle. C'est comme ça. La terreur du gamin coincée entre les incisives, peut être. La si jolie doctoresse avec ses cheveux hérissés et ses baskets, sa chaussette rouge et sa chaussette bleue, me sourit comme une babiole brillante et sentimentale, et j'ai envie de la garder dans ma poche et qu'elle me rejoue ce sourire là chaque fois que quelqu'un aura la chiasse dans ses draps et qu'il faut refaire le lit. Souvent, quoi. J'ai envie de prendre la chaise à côté d'elle, de poser un thé qui embue les joues sur l'accoudoir, et de la regarder qui remplit avec tant d'application ses dossiers jusqu'à m'endormir bercée par le ronronnement de son ordinateur. Quand je la croise, je me dis bêtement que j'ai pas raté ma coup, et ma vocation aussi, puisqu'elle est exactement à la place que j'aurais pu occuper, et qu'elle le fait avec tant de grâce et d'espièglerie. Et d'incendie dans les prunelles. Alors moi aussi, je crois que je suis dans le juste. Elle me félicite et j'ai les pommettes qui flambent, j'ose pas lui renvoyer la balle mais je le pense tellement fort que ça doit se voir. J'espère que ça se voit. C'est une pensée bizarrement rassurante - une fille curieusement apaisante pour toutes les plaies puantes de l'hôpital, dont la peinture à force suinte un peu. Dans une autre vie, j'aurais sans doute cherché à l'apprivoiser de plus près, au moins quelques minutes, mais je m'en vais bientôt. Et puis c'est toi que je, enfin, voila. Je reviendrai peut être. L'été prochain. M'écorcher sur le peu d'humain dans le bestial, le primaire qui rend l'autre face putain de douce et tellement fragile. Piétiner une fois de plus la boue laissée par les empreintes de mes pieds moins grands sur la moquette tâchée. Peut être. Il faudra que je pèse les choses, longtemps. Je sais une chose, en tout cas ; une fois passée cette double porte là, tellement lourde, on ne peut qu'avoir envie de clamser jeune après un bout de vie assourdissant. Pour ne pas sur la fin se retrouver là à tricoter les remords et peler les regrets comme des pommes gâtées, alors qu'il est vraiment trop tard.

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