Devant sa propre vie, avoir le sentiment, invérifiable mais tenace, qu'il s'agit d'un même document, bien que composé de nombreuses notes aux objets divers. Un gros rapport, en somme, bourré d'annexes, de notices techniques. et comportant des renvois à plus tard innombrables. Néanmoins, les rendus intermédiaires étant parfois requis, on se retrouve contraint de faire tenir ensemble ce qui déjà s'est accumulé.
Qui s'est déjà essayé à attacher une liasse au moyen de la reliure à spirale comprendra sans doute la gageure.
Première étape, cruciale : choisir le bon diamètre de la spirale. Trop petit, les pages s'échapperont rapidement, trop gros, et le rapport paraitra aussi présomptueux qu'il est mince.
Seconde étape : la perforation des feuilles. Il faut procéder généralement par petits paquets, au risque sinon d'empêcher les dents de la perforeuse d'opérer. Cela est fastidieux, comme toute chose requérant méthode et patience. Fastidieux et périlleux : car, si entre deux paquets le calage n'est pas exactement identique, ce sont deux morceaux de vie irrémédiablement décalés.
Ultime et décisive étape : enfiler toutes les languettes de plastique dans tous les trous alignés. Généralement les languettes rebiquent et les trous récalcitrent.
Bref, l'exercice est harassant. Harassant mais nécessaire. Car ce n'est qu'une fois que la reliure est refermée, et le document ainsi présenté sous sa couverture transparente, qu'il devient crédible. Vous avez beau savoir, vous le producteur du document, que l'unité existait déjà dans tout ce fatras de feuilles volantes, vous ne devez votre unité qu'à l'artifice somme toute bien pauvre de la reliure à spirale.
Tout ça pour dire, que je m'apprête à rajouter quelques pages de couleur différente à la liasse, et que je me prévois quelques soucis au calage de la perforeuse.
En clair, je suis, malgré ce petit souci technique, très contente d'annoncer ici que je vais dans peu de temps débuter une résidence d'écrivain grâce à un dispositif proposé par la Région Ile-de-France. Changement temporaire de vie, pour me consacrer à l'écriture plus... resserrée ?... de l'histoire de Nathalie Pages : encore une vie, en effet, dont les feuillets s'envolent et pourtant s'épousent. Je retracerai, certainement sous des formes différentes, partie de ces nouveaux feuillets (les miens, ceux de Nathalie) ici, mais aussi sur le site de remue.net qui propose un bel accueil aux auteurs en résidence. (Vous pourrez aussi suivre les autres résidences ici.)
Quant à relier, relier, relier, dans ce projet avec le Lycée Henri Wallon d'Aubervilliers, j'en vois l'idée pas seulement pour ma propre vie, et je voudrais bien que ceci contribue un petit peu à ce que soit abandonnée la tentation facile et aujourd'hui très appuyée d'arracher certaines pages de notre vie collective (Et tant pis si, sous la couverture transparente, nous ne trouvons pas de titre).