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Publié le 20 août 2010 par M.
Mais ça n'a rien à voir avec le fait d'être jolie. C'est juste une histoire de contrôle de soi, parce que si j'ai le visage rigide, si je compte les choses avant de les entamer, c'est pour contrer le fait que je ne maîtrise pas tout à fait les possibilités d'un corps. Dans mon ventre ovale il y a ce qui ressemble à un enfant pourri gâté, un avorton tout en vices lové dans les viscères, aigri par le manque de lumière et vieilli prématurément. Entre les organes, végète ce liquide fielleux, perfide : tout ce qui n'a pas eu la chance d'exister et qui s'est renfoncé dans les plis, refusant de lâcher prise, de déplanter les canines, attendant patiemment de réussir à se creuser une place. Stocké pour ne pas risquer de rater quelque chose. Compressé, tordu, empilé si haut que ça finit par écraser les poumons. Comme vingt fois par an, je me décide à démêler un bout d'intestins, avec mille précautions dans le bout des doigts et trois fois plus encore d'espoirs miteux regonflés à bloc. Je progresse par petits bonds, grands soubresauts. En retournant des blocs de ciment (et les insectes se taillent en piaillant de la moisissure âcre sous la pierre, outrés), ou en comprenant soudain les phrases dont le sens m'échappait mais dont mes poches débordent, collectionnées sur des tickets de caisse et autres factures déchirées. Je joue tout le temps à m'apprivoiser. Tous les matins, toute l'année. A n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Et puis, avec mon bracelet d'hôpital agrafé au bras, j'endosse le rôle du chiffon froissé, de la fille aux vagues brisures, du malade embêté d'être malade, et puis de l'autre main celui du héros qui transformera ma mixture nerveuse en horizon droit. C'est pour ça, pas vrai. Pour ça que je suis revenue. Pour tester ma résistance, gratter les croûtes et recoudre proprement. Pour ne pas te refaire le coup de la flaque plaintive et que tu me demandes si après tout ce temps, on en est encore là. Puisque je me dis justement qu'il ne reste pas grand chose ou bien rien d'avant qui en soit encore là. Avant quoi, moi je te donne une frontière si tu veux, mais après tout le monde peut la mettre où il veut. C'est pas si important. Une main qui s'angoisse et tremble, et l'autre qui fait un geste rassurant : te bile pas, va, je vais tout arranger. Non, c'est pas une histoire de beauté - c'est de la décence, mec, de la confiance en soi, de la justice. Appelle ça comme tu veux. Y'a tellement à élaguer : l'odeur et la voix de la chair dont on est la chair, et qui vous font retapisser l'émail des chiottes ; la perversité hystérique. Je vais pas te faire une vraie liste. C'est pas ça qui compte le plus, qui me permet ne pas me planquer piteusement sous la couette quand le réveil sonne, le moral en berne, ce ne sont pas ceux là les mots qui butent sur mes lèvres, évidemment tout ceci a un sens, mais. Autant je me vautre gravement dans l'idée d'étaler ici bas la crasse pour mieux la sortir de moi, la rincer et désinfecter l'endroit, autant il y a des choses, ce que je cherche en dormant entre les plis du draps, les histoires que je raconte à chuck et au microbe miniature pour les endormir, le contact crémeux et polisson des cailloux contre ma paume, j'ai pas très envie de les offrir. Pas comme ça, c'est trop sale et trop public. Ces choses là, donc, qui me laissent dormir sans que personne ne meure, méritent au moins mieux que tout ça. C'est déjà presque trop parler. Alors ta gueule, le vautour. Dans sept jours, j'aurais fermé doucement la porte de l'unité deux avec des bleus en moins, petit dieu interne rafistolant mon univers imaginaire vexé au scotch transparent.