À propos de <em>Cleveland contre Wall Street</em>, de Jean-Stéphane Bron. Un grand film de fiction hyperréelle, d'une lumineuse clarté quant à l'exposé des faits, et plein d'humanité, sur le cynisme des banques surendettant les plus démunis pour les plumer, mais aussi sur le "rêve américain" tel que nous, consommateurs de tous les pays, nous le vivons aussi. Prix du public au Festival de Paris Cinéma 2010.
Pour les seuls faits, Cleveland contre Wall Street documente les circonstances et les séquelles de la crise financière dite des subprimes, aux Etats-Unis, mais le film va bien plus loin dans l'approche de toute une société et de ses aspirations ou de ses fantasmes, jadis recouverts par la formule magique de « rêve américain ».
Nous avons tous entendu parler de la crise des subprimes, sans savoir exactement de quoi il s'agit (du moins était-ce mon cas ce matin encore), nous avons appris quels ravages sociaux en ont découlé aux Etats-Unis, frappant des millions de personnes expulsées de leurs maisons, mais ce n'est qu'aujourd'hui que, grâce à un film dont tous les faits et les acteurs sont réels, projetés dans la fiction d'un procès fictif, nous comprenons, la gorge serrée, de quoi il s'agit précisément.
Cela se passe dans la ville de Cleveland, en Ohio, et plus exactement dans ses quartiers les plus défavorisés, où plus de 100.000 personnes incapables de rembourser des prêts ont été expulsées de leurs maisons entre 2006 et 2008. Le désastre local a pris une telle dimension qu'en 2008, le maire de la ville, Frank Jackson, appuyé par un groupe d'avocats, a assigné en justice une vingtaine de banques et organismes de prêts hypothécaires de Wall Street (y compris le Crédit suisse), considérés comme responsables des saisies immobilières.
Comme on s'en doute, l'action en justice ne se fera vraisemblablement jamais. Cependant, Jean-Stéphane Bron a eu l'idée géniale de mettre sur pied ledit procès avec un vrai juge, de vrais avocats, de vrais plaignants et de vrais jurés. Dans le vrai palais de justice de Cleveland, mis à disposition par la ville, défilent ainsi des habitants du quartier de Slavic Village, l'un des plus touchés par la crise, mais aussi divers « acteurs » du drame, tel cet ancien conseiller économique de Reagan, tel ce jeune broker issu du « ghetto des ghettos » et passé du trafic de drogue au démarchage de prêts, ou tel encore ce concepteur d'un logiciel de gestion catastrophé par les séquelles d'une crise à laquelle il a participé...
Or, justement, la question est posée: les banques ont-elles vraiment pris le moindre risque en prêtant à des pauvres. Evidemment non, puisque l'argent récolté en surendettant les pauvres leur a fait faire encore plus d'affaires par voie de titrisation! Et qui a-t-on renfloué après la catastrophe ! Les banques une fois encore. Ainsi l'une des plaignantes affirme-t-elle que son malheur profite encore aux requins de Wall Street qu'on gratifiera d'un Bonus complémentaire...
Un participant au procès résumera : d'un côté, quelques privilégiés et de l'autre, des masses de floués qui continuent d'être expulsés au nom de la liberté du marché...
Dramatis Personae de Cleveland contre Wall Street: tous les protagonistes du film et du procès: http://clevelandcontrewallstreet.com/protagonistes.html