Magazine Journal intime

Je suis une tueuse en série de montres (même si ça serait plus utile d’être une tueuse en série de monstres)

Publié le 22 août 2010 par Anaïs Valente

En novembre dernier, je me suis offert une nouvelle montre.

Ce fut l’événement du siècle, étant donné que mon dernier achat de montre remontait au siècle passé, à l’été 1999 plus exactement.

C’est dire si j’étais surexcitée à l’idée de m’offrir une montre.

Et je l’ai fait car, suite à une analyse des couleurs qui me mettent en valeur et me transforment en Claudia Chou Fleur, j’ai dû me séparer de mes bagues en or, que j’avais aux doigts depuis mes vingt ans, soit depuis peu, vraiment très peu, de temps.  L’or, pour moi, c’est caca.  Moi je suis hiver, savoir argent, couleurs pétantes, noir, blanc, gris. Point barre.  J’ai donc enlevé l’or et acheté de l’argent.  J’aurais aimé de l’or blanc, mais faudra économiser un peu beaucoup pour ce faire.

Mais ensuite, ma montre, qui contenait du doré, bel elle jurait atrocement à mon poignet, même que tous les gens s’arrêtaient en rue pour dire « eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeek, mais quelle horreur, cette montre jure atrocement à son poignet ».

Alors je me suis offert une jolie montre argentée Esprit.  Je vous raconte pas la lutte acharnée avec la vendeuse, qui me certifiait que les montres se portent comme des bijoux, plus précisément comme des bracelets, donc larges et tournant autour du poignet.  J’ai tenté, j’aime pas, passque le poids du cadran le ramène sous le poignet, c’est insupportable.  Elle a donc daigné enlever une, puis deux mailles, en tirant bien la tronche et me disant « je vais finir par l’abîmer à force de faire ça ».  Oui ben hein, si y’a des mailles amovibles, c’est bel et bien pour les amovibler que  je sache.  Elle a d’ailleurs griffé ma future montre sur le fermoir avec ses engins de torture de montres, mais je me suis tue.  Après deux mailles, elle était de telle humeur que je me suis sauvée, pas convaincue… pour revenir trois heures plus tard, angoissée comme pas deux, la bouche en cœur, la queue entre les jambes, la supplier de m’enlever une troisième maille.  Elle devait avoir dévoré un bon plat de pâtes ou s’être offert une petite pause crapuleuse avec son amant durant son temps de midi, car elle était étonnamment charmante.  J’ai donc eu enfin la montre que j’espérais, qui serre bien le poignet, donne l’heure, et est jolie comme tout, même que tous les gens s’arrêtent en rue pour dire « waaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaw, mais que cette montre est jolie comme tout ».

Mais, vers mars-avril, c’est le drame.  Ma montre s’arrête.  Et je me dis « quelle arnaque, une pile qui ne fonctionne même pas six mois ».  Je la remets à l’heure, histoire de tester.  Et elle repart.  Ensuite, elle me fait le coup au moins dix fois, s’arrêtant, redémarrant au bout de quelques heures, de façon inexplicable et irrégulière.

Je me décide donc, il y a peu (en fait après que j’aie failli louper mon train aan de noordzee passque ma montre indiquait 18h35, qu’il était 18h50 en réalité, que mon train était à 19h et que j’avais 10 minutes de route), à aller changer la pile dans une bijouterie.  Et j’en profite pour exposer la situation, m’étonnant qu’une fois à plat, une pile ait des sursauts de résurrection occasionnels.  La bijoutière me confirme que c’est impossible.  Honnête, elle refuse de me remplacer la pile, arguant que ça ne servirait à rien, que je dois faire intervenir la garantie.  Elle ne gagne donc pas 6 euros, qu’elle soit remerciée de sa gentillesse, ce genre d’attitude n’étant pas très fréquent.  Je critique les commerçants vilains pas beaux, j’encense les jolis tout beaux.  Il s’agit de la bijouterie en face de l’Inno, passage de la Monnaie (prononcez Monnayyye).

Je me rends alors au magasin Esprit et expose la situation.  Pas de souci, merci la garantie, la montre va partir en réparation.  Quand la vendeuse remplit le papier, elle se base sur un papier identique rempli quelques jours auparavant, lequel stipule « arrêts fréquents, retards ».  Bon, chuis pas la seule, doit y avoir un lot défectueux.  Pas grave.

Je fais mes adieux à ma montre et remets, provisoirement, mon ancienne montre, avec du doré.  Bien sûr, immédiatement, les gens s’écrient « eeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeek, mais quelle horreur, cette montre jure atrocement à son poignet », mais pas le choix.

Il y a une semaine je constate avec horreur glauque que ma montre, la dorée, la moche, s’est arrêtée. Naaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan, pitié, pas ça.  Je la remets à l’heure, elle repart.  Puis s’arrête.  Et me fait le coup plusieurs fois.  C’est une malédiction, je ne vois que ça.  Je produis des ondes néfastes qui tuent les montres.  Je suis une tueuse en série de montres.  Je retrouve une vieille vieille montre, qui doit avoir une vingtaine d’années et qui est d’un argenté un peu terne, mais ça fera l’affaire.  Je transfère la pile d’une montre à l’autre et miracle, elle fonctionne.

C’était il y a six jours.

Les paris sont ouverts.  Dans combien de jours vais-je assassiner cette pauvre montre ?

(Dessin de Philippe Geluck).

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