Je suis indignée. Oui oui… ma bien-pensance en a pris un coup ce matin, alors que j’écoutais d’une oreille distraite les journaux successifs de France Inter.
Il était question des sans-abris et de la controverse qui oppose madame Boutin et les associations d’aide aux SDF. “Il reste plein de places dans les centres d’hébergement” affirme la première. “Taratata, répondent les secondes, il en faut d’autres et, pour vous le prouver, on va installer des tentes sur l’esplanade de Notre-Dame de Paris, vous allez voir qu’il y en aura des dizaines.”
D’un seul coup, un vent de panique a soufflé. Comment, on oserait nous refaire le coup du canal Saint-Martin… Celui qui a débouché sur le “droit au logement opposable” (lorsque vous trouverez un droit qui ne soit pas opposable, vous me préviendrez)… Pas ce ça, Lizette, hop, mettez-moi tout ce beau monde au violon ou, à tout le moins, hors de la vue des Parisiens et des touristes. Et des cathos par la même occasion, des fois qu’on viendrait leur rappeler toutes ces histoires de charité chrétienne, et patati et patata.
Donc pour apaiser les esprits, la bonne madame Boutin reçoit les associations. “Mais comment mon bon monsieur, nous avons tenu nos promesses, il y a de la place pour tout le monde…” “Ah mais non madame, regardez donc dans la rue la nuit…” Comment dites-vous ? Dialogue de sourds ?
Mettons les choses au point : D’abord, la nuit, madame Boutin dort, elle ne se promène pas dans la rue. Ensuite, le jour, elle a aussi les yeux fermés. En tous cas, elle ne s’est pas aperçue que son directeur de cabinet, un certain Jean-Paul Bolufer, vivait en HLM, le pauvre malheureux. Préfet hors cadre, directeur de cabinet ministériel, ça doit pas bien gagner sa vie. Alors on lui a attribué un p’tit appart’ . C’était il y a longtemps, en 1981, quand il était directeur adjoint du cabinet du maire de Paris, un dénommé Jacques Chirac.
D’après le Canard Enchaîné, hebdo satirique indispensable à une vie saine et hilarante, il l’aurait sous-loué entre 1989 et 1996, quand il a été nommé à Toulouse, puis entre 1997 et 2007 parce qu’il dispose d’un logement de fonction. 190 m2 dans le 5ème arrondissement de Paris, avec vue sur la chapelle du Val-de-Grâce, ça ne se lâche pas comme ça.
Interpellé, le ministère du Logement s’étonne et répond sèchement que “ si des erreurs ont été commises, elles ne peuvent être imputées qu’à une mauvaise gestion du bailleur à qui il appartient d’exiger, le cas échéant, de ses locataires toutes les justifications requises. Tout autre commentaire qui revêtirait un caractère diffamatoire relèverait désormais de l’intervention de son avocat”.
C’est marrant, quand même, c’est toujours la faute des autres. En attendant, monsieur Bolufer fait comme sa patronne, il dort sur ses deux oreilles. En plus, du Val-de Grâce, on ne voit pas Notre Dame.