Pas l'indifférence

Publié le 22 décembre 2007 par Mirabelle
Samedi 22 dĂŠcembre 2007

Pas l'indifférence

Je n'ai pas envie d'oublier. Je n'ai pas envie de passer à autre chose.  Je ne veux pas. Je veux  me recroqueviller dans mon rêve et que personne ne vienne m'en tirer. Je veux m'enfermer avec mes souvenirs et ne plus écouter personne. Je n'ai pas envie d'oublier.
Pourtant, je le sais : j'oublierai. C'est inévitable. Absurde.  J'oublierai son nom, le son de sa voix, ses petites manies. J'oublierai le contact de sa peau sur la mienne et  sa cicatrice. J'oublierai tout. Bientôt, je le sais, il ne sera plus  qu'une vague image,  quelque part,  au fond de mon esprit. Une image trouble, qui n'éveillera plus en moi que de l'indifférence, et un certain attendrissement. Absence de l'amour. Le pire de tout. L'indifférence. Bientôt, j'aurai oublié les larmes que je verse depuis quinze jours, j'oublierai les minutes encore teintées d'espoir, les débuts tâtonnants, la première fois. J'oublierai tout.
Mais je n'ai pas envie d'oublier. Je repousse le temps qui passe, je rejette l'oubli. Je ne veux pas passer à autre chose. Je préfère avoir mal que de ne rien ressentir. Je préfère avoir mal et être dans l'incertitude que de voir mon monde s'écrouler complètement. Je préfère attendre. Parce que dans l'attente, il y a encore l'espoir, alors que dans la vérité il n'y a plus rien.
Je n'accepte pas l'absurdité de l'Amour. Un jour on traverse une mer pour aller retrouver l'être aimé et l'autre on lui dit qu'on n'est pas certain de pouvoir continuer avec lui. Où est la logique ? On ne peut donc jamais faire confiance ? On ne peut donc jamais se reposer un peu sur une épaule en se disant que c'est une épaule solide qui sera toujours là ? Non. Il faut toujours garder à l'esprit que le peu d'équilibre construit est fragile, et éviter de s'égarer dans des rêves qui n'intéressent que soi, dans ces projets sur le long terme qui aident à tenir une situation pourtant intenable.
Je n'accepte pas d'avoir été heureuse, d'avoir mal maintenant, ni cet avenir d'indifférence. Je ne veux pas le croiser un jour et me dire "tiens, ça ne me fait rien...". L'indifférence n'est-elle pas pire que tout ? Oui, vraiment, je préfère avoir mal, et je me complains dans cette douleur. Parce que quand j'ai mal, il est encore un peu à moi. Parce que je suis encore un peu avec lui, parce que c'est le seul lien, désormais, que je pourrai entretenir avec lui, parce que si je n'ai pas l'amour, je préfère la douleur de l'absence.
Et je me fous du jugement des autres. Je me fous de leur pitié et de leur compassion. Je n'ai pas envie qu'on me parle de lui parce que désormais, je ne veux plus qu'on me rappelle qu'il a existé dans ma vie, que nous avons fait un bout de chemin ensemble, que c'est tellement dommage... Je le sais tout ça, et je me le répète à chaque minute de chaque seconde. C'est juste que c'est trop précieux pour que je le partage avec qui que ce soit.
Je veux garder ma douleur, le plus longtemps possible. Je veux l'entretenir. Tant pis si je suis maso, tant pis si je ne veux pas regarder autour de moi. Tant pis. Je veux rester toute seule et éviter tous ces petits couples qui planifient tout. Je veux éviter les gens heureux parce que je deviendrai méchante, agressive, stupide, si je les croisais. Je veux rester chez moi en écoutant des chansons tristes, en pleurant sur du Patrick Bruel, même si c'est pathétique. Je veux rester chez moi et regarder les photos, celles où nous étions presque des gamins, celles où nous étions presque des adultes. Je veux rester chez moi, ce chez moi dans lequel je n'ai pas vraiment de souvenirs avec lui. Je ne veux pas que ça passe.
Je veux avoir mal parce que c'est encore lui, d'une certaine façon. Je veux prendre toute la mesure de ce que j'ai perdu, toute la mesure de mes conneries, toute la mesure de mon caractère de cochon, toute la mesure de mes caprices et de mon orgueil mal placé. Peu importe ce qu'en pensent mon entourage, mes amis. Je m'en fous. Parce que malgré tous leurs jugements, leurs convenances, les "vous n'étiez pas faits pour être ensemble", "vous passiez votre vie à vous engueuler", "vous étiez trop différents", ils ne connaissent pas la vérité et je serai bien curieuse, moi, de savoir s'ils sont vraiment heureux dans leur couple ou s'il ne s'agit d'une façade, cette façade derrière laquelle je me suis cachée, cette façade bien rose et bien propre, où il n'y a rien qui dépasse. Alors balayez devant votre porte avant de juger et allez sérieusement interroger votre conjoint sur ce qu'il ressent, discutez, vraiment, sans faux-semblants. On verra après.
Tant pis si cet article bascule dans la mièvrerie désespérée à la jalousie mesquine, à l'agressivité amère, tant pis s'il bascule dans cette sensiblerie que j'exècre pourtant. Je m'en fous. J'ai juste besoin de m'écouter, m'écouter sans m'interrompre, d'extérioriser tous les démons, ceux du réveil qui me dévorent, ceux qui sont les plus douloureux, parce que j'oublie la nuit et qu'en ouvrant les yeux, la douleur revient. Tant pis si je gâche mes 24 ans naissants, tant pis si je n'ai pas conscience de mon charme, tant pis si je n'en profite pas pour sauter sur de beaux mâles ayant l'attrait de la nouveauté. Je ne veux pas de nouveauté. Moi, son visage m'allait très bien. Il m'allait très bien, malgré son caractère affreux, son impulsivité, sa calvitie, son bordel, ses mauvaises manières, ses goûts de chiotte en matière de cinéma. Parce que tant qu'on y croit toujours, hein, après tout...
Et j'ai beau déverser toute ma frustration, ma tristesse, toutes mes larmes sur le clavier, je sais que ça ne changera rien. Parce que c'est la vie, comme on dit. Et que malgré toute ma bonne volonté pour ne pas l'oublier, malgré mes efforts pour dresser un totem en son honneur, cela ne servira à rien. Qui sait ce que j'écrirai d'ici quelques mois ? J'aurais peut être rencontré quelqu'un d'autre, je parlerai peut être de lui d'un ton détaché ou qui sait... Peut être n'en parlerai-je plus du tout ?
Je sais que lui, en tous cas, m'oubliera. Quand le manque sera passé, quand il aura dressé la liste de mes défauts et du pourquoi-du-comment-il-a-bien-fait-de-me-quitter, il rencontrera d'autres filles, des plus blondes, des plus belles que moi, des moins chiantes... Surtout, il les présentera à son meilleur ami et elle prendra ma place, dans son coeur, comme aux yeux de la société : sa petite amie aux yeux de ses copains (qui étaient aussi les miens...), elle deviendra la belle-fille de ma belle-mère, la belle-cousine de ses cousins et on oubliera même jusqu'au fait que nous ayons été ensemble.
Il oubliera mon nom et aura enfant, Golden et maison avec une autre. Il ne gardera ni photos ni lettres car contrairement à moi, ce n'est pas un puriste. Il préfère le présent au passé. Comment lui en vouloir ? Pas de chance pour moi, je représente le passé, maintenant. Il oubliera mon nom et moi, je n'aurai d'autre choix que d'oublier le sien également. C'est d'une absurdité sans limites. L'Amour ne veut rien dire... Il fait passer de l'extase à la déprime, de l'euphorie à la désillusion. Je t'aime, je te plaque, j'ai rencontré quelqu'un d'autre, je t'oublie. Je nous en veux, à nous autres les hommes, de passer si facilement à autre chose. A croire qu'on est totalement lisse, que mêmes les plus belles choses sont vouées à s'effacer, un jour ou l'autre. C'est la vie qui veut ça, il paraît. Eh bien je trouve qu'elle est sacrément conne.

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publié dans : Ecrire, écrire, écrire... par Mirabelle