Magazine Journal intime

Le Glas Du Tambour.

Publié le 22 décembre 2007 par Mélina Loupia
Le sèche-linge est la plus belle invention de l'homme, après la femme. Toutes celles qui me connaissent et en possèdent un vous le diront, plutôt crever la bouche ouverte que d'aller se cailler les ovaires à étendre dehors. Surtout quand il pleut. Surtout quand on a pas d'étendoir dehors et que le seul qu'on possède n'est destiné qu'au célibataire endurci qui fait sécher sa lessive hebdomadaire sur un étendoir à roulettes à la capacité toute relative. Ce qui est précisément mon cas. Mais dont je me contrepignole, dans la mesure où j'ai mon sèche-linge à moi qui, malgré ses 11 ans, fait de moi une femme libérée des obligations lingères. Jusqu'à hier soir. " Bon, alors on sera 16, 9 adultes et 7 enfants, je vais faire un énorme poulet au curry, de la charcutaille en entrée et des clafoutis pour le dessert, 2 bons pains et hop, on va se marrer, ça faisait longtemps. Bon, je vais foutre la lessive au sèche-linge, sinon demain, j'aurai pas le temps. -Ta vie est passionnante ma chérie." Sur quoi, après avoir vaguement douté de la sincérité des propos de Copilote, j'allais faire communiquer les vases. J'extirpe 7 ou 8 kilos de linge propre et froissé à 1300 tours/minutes du tambour du lave-linge dans celui à capacité maximale de 5 kilos du sèche-linge, je ferme les 2 capots, je tourne le programmateur sur 2h et j'enfonce le bouton marche/arrêt. J'éteins la lumière du cellier et je me vautre sur Ténérife attendre que le sommeil veuille bien s'intéresser à moi. Et je m'endors assise. Ce n'est que le ronron métallique et régulier qui me tire d'une léthargie relative, due à ma position inadéquate au dodo réparateur, ainsi qu'une brûlure intense à la cuisse gauche, que je dois au ventilateur de Marilion, qui lui ne m'avait pas attendue pour se foutre en veille prolongée. "C'est quoi ce putain de bruit? -Oh, encore un môme qui a laissé des cailloux dans sa poche ou une fermeture éclair qui racle le tambour du sèche-linge. -Et ça t'empêche pas de dormir toi? -Non, regarde, je te parle dans mon sommeil. Bien-sûr que ça me soule, mais bon, je vais pas découdre toutes les fermetures. -En revanche, vider les poches, peut-être ça t'arracherait pas les mains. -Certes, surtout quand je retrouve tes jetons de café dans le filtre. -Si tu crois que j'ai que ça à faire. -Tu m'ôtes le pain de la bouche là." Comme je suis à présent parfaitement réveillée et d'humeur badine, je décide d'aller faire cesser le silence dans la chambre à air pulsé. Si cailloux ou jetons il y avait, je les prierai de bien vouloir aller se secouer ailleurs. Pas la molécule d'extrait de corps étranger dans le tambour du sèche-linge. Seuls les pulls fumants et humides attendaient pantelants que le manège se remit en route. Je vide tout le contenu afin d'explorer le contenant. Mais rien. J'approfondis mes recherches en retournant toutes les poches ou autres ourlets soupçonnés de recel de cailloux clandestins, mon linge est aussi honnête qu'un Scout. Passablement irritée d'entendre tout et de voir rien, je fourgue à nouveau la masse à sécher, relance le programmateur et le moteur s'ébranle, cette fois tout métal hurlant. "Putain de merde mais c'est quoi l'arnaque là? -C'est pas les galets de nouveau? -Meuh nan arrête tu les as changés y a pas longtemps. -T'as fait tourner le tambour manuellement? -Pas la peine, ça peut pas être ça. -Ok t'as pas fait tourner donc." En un tour de main, le diagnostic était posé. Le tambour était poussif et crissait à s'en faire péter les tympans, un peu comme la pointe d'un compas sur l'ardoise, mais en dolby 5.1. Copilote allait prononcer l'heure du décès lorsque je vois sa tête disparaître, engloutie par le cadavre encore chaud. "Pu-tain, j'ai jamais vu ça. -Quoi?  -Regarde." De mémoire de responsable de service après-vente, Copilote avait jamais vu ça. "Des courroies qui patinent, qui se pètent, des programmateurs qui fondent, des résistances qui lâchent, j'en ai vus, mais alors des tambours qui se fendent, là, ça me troue. -Bé voyons, en plus, il pleut, c'est Noël, j'ai pas d'étendoir digne de ce nom... -Et plus de sèche-linge en stock au magasin, tain, t'as pas de cul chérie. -Non, en revanche, 2 quintaux de linge à laver, ça, oui. -Bé t'as qu'à étendre dans le cellier. -Tu vas jouer le rôle de l'étendoir? -Et çuilà, il va pas bien? -Hein? Non mais je crois qu'on a pas la même notion du volume là. Ce truc rouillé là, tout dégingandé, 3 torchons, 2 serviettes et un string en dentelles, et il est gavé. Je te rappelle, juste pour un flash information, qu'ici, on est 5 et que le sèche-linge, il sèche environs 20 kilos par soir. Je factorise ou je développe? -Bon bé tu vas porter le linge chez ta mère, tain comment tu te noies dans un verre d'eau toi. -Mais bien-sûr, comme au bon vieux temps, celui om jamais je lui ai porté mon linge à laver pour le week-end, je la vois déjà ravie. -Y a un début à tout, en attendant, on fait comme ça, et quand tu seras riche et célèbre, tu t'offriras un sèche-linge avec un tambour en or. -Je préfère la drogue, c'est plus tendance dans le show-biz." Me voilà donc rendue, ce matin, à calculer la résistance et la capacité de mon étendoir qu'un éclair de lucidité m'avait évité de jeter. J'ai réussi, après de savantes insultes, à étendre la totalité de mon linge. pas un souffle d'air ne passe entre les mailles, mais ça tient, calé entre le mur et la porte du cellier. D'ici Noël, ce sera parfaitement sec, ça sentira le chien mouillé ou le graillon, selon mon imagination culinaire ou ma flemme légendaire, et ça repartira aussi sec dans le lave-linge. Sur quoi, j'éteins la lumière du cellier, je ferme la porte et je m'affaire aux fourneaux. Ce soir, j'ai du monde à dîner, la plaque de cuisson et le four vont chauffer. Sauf qu'aucun des deux ne réagit à l’impulsion électrique. J'ouvre la porte et allume la lumière du cellier, et me dis que l'étendoir devait avoir effleuré le disjoncteur et fait sauter le courant des prises de la cuisine. Il n'en était rien. Juste le différentiel qui faisait la gueule et tirait vers le bas, refusant d'entrer en érection malgré mes pressions digitales insistantes. "Dis, tu veux une super nouvelle? -Ah oué, toujours. -Après le sèche-linge, je t'annonce la mort de la plaque et du four, et le linge est toujours pas sec. -Tain mais c'est la série. Bon, tu vas faire tout ce que je te dis et dire ok à chaque fois que je te le dis ok? -Ok. -Non, pas encore." En 10 minutes, le fabuleux tandem téléphonique a décelé le coupable, à coup de procédé d'élimination. Après 15 "Et là? - Rien", Copilote a trouvé la panne à distance, mieux que chez Orange. Il suffisait de débrancher le sèche-linge pour que la lumière soit à nouveau. Je bénis mon mariage et la terre entière et prépare des glaçons, comme Copilote me l'a demandé. C'est qu'il faudrait pas qu'en plus, le Ricard soit chaud.

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