Conseil payant des pharmaciens : opportunité ou dérive?

Publié le 23 août 2010 par Damienamselem

On avait beaucoup parlé il y a quelques mois - plus précisément en Février 2010 -  des pharmacies Giphar, qui avaient eu le privilège de se faire épingler par le célèbre site d'informations généraliste Rue89. Objet de cet article dédié qui ne brossait pas forcément dans le sens du poil, une campagne de publicité intitulée « les rendez-vous de la santé ». Giphar n'avait alors pas lésiné sur les moyens pour faire le « buzz » , puisque c'est ni plus ni moins que Richard Berry qui sur fond bleu vantait les mérites de ce service de « conseil » d'un nouveau genre et bien sûr payant…

Car il faut le savoir, le rôle de conseil du pharmacien a été redéfini dans les nouvelles dispositions prévues par la loi Hôpital, patient, santé, territoire (HPST) :
« l'article 38  de la loi refonde les missions des pharmaciens. Il est à présent écrit noir sur blanc que les officines peuvent « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l'amélioration ou le maintien de l'état de santé des personnes. Le ministère de la Santé ne s'oppose donc pas à ce que les pharmaciens facturent certains de leurs services. »
(rue 89)

Inutile de dire que ces initiatives basées sur le “rôle de conseil” du pharmacien, sont appelées à fleurir un peu partout sur le territoire

Objectif, quelque part une privatisation de l'offre sous couvert de prévention ?

Objectif  (inavoué?) de cette nouvelle « culture » : Privatiser quelque part la santé en déplaçant le recours au système de soins publics, vers le privé (et oui en définitive cela revient à ça)…  On surveille son capital santé directement chez son pharmacien, plus besoin de se rendre systématiquement chez son médecin traitant pour cela, et ça fait théoriquement économiser des sous à l'assurance maladie. Sauf que les médecins généralistes sont plus que sceptiques, et n'y voient grosso modo qu'une opportunité de business masquée sous les apparence d'un impératif éthique, ainsi Michel Chassang toujours dans rue89, réfutait ainsi l'argument : « Comment va-t-on faire économiser de l'argent à la sécurité sociale ? Si, à l'issue du dépistage, les pharmaciens orientent les patients vers les médecins, aucune économie ne sera générée».

Qui paye?

Qui paye ces nouveaux services de conseils? c'est bien sûr la question.. Et bien les mutuelles ou  les assureurs, les patients eux même, soient directement soit via les contisations de leurs contrats complémentaire santé. Évidemment ces conseils sont aussi l'occasion de placer des médicaments, donc des partenariats avec les labos sont vraisemblablement à attendre. .À la clé bien sûr, la modification tant attendue du système de rémunération des pharmaciens qui pourront donc ajouter aux recettes provenant de la vente des médicaments, celles de ces programmes de suivi médical, ainsi que leurs conseils.
Pour Brigitte Bouzige, la présidente de Giphar que citait Rue89, la « notion de santé payante est aujourd'hui intégrée dans l'esprit du consommateur qui, depuis quelques années, est confronté au déremboursement de nombreux médicaments » qualifiant le phénomène de « mode de pensée nouveau et (de) révolution culturelle auxquels il faudra bien que nous adhérions, sous peine d'avoir un exercice professionnel encore plus périlleux».

D'autres opportunités de croissance pour les pharmaciens…
Je suis allé voir ce qu'il en était des rendez-vous santé quelques mois après, apparemment le projet n'a pas pris, ainsi nulle trace de celui-ci dans « l'espace professionnel » de Giphar.  (consulter la carte du site pour accéder aux pages), j'y ai appris par contre que le  groupe développait ses propres marques (« dermactiv ») une grosse tendance dans la profession - (Alliance boots - la grosse méchante chaîne qui aimerait bien s'installer en France, est passé maître dans ces pratiques qui en réduisant la chaîne, augmente significativement les bénéfices.. lire ceci pour se faire une idée : http://www.allianceboots.com/Our_Group/Our_product_brands.aspx)

à noter ceci toujours sur l'espace Giphar dans la rubrique espace pro > côté MAD-HAD :
« Parce que le MAD (nb le maintien à domicile) est aujourd’hui un des secteurs à plus forte croissance de l’officine… Parce que nous refusons de laisser ce marché s’enfuir hors du circuit officinal… Nous, les GIPHAR, avons décidé de créer GIPHARMAD notre propre département pour le maintien à domicile. »
Et oui.. Le marché de la dépendance, bien sûr lié au vieillissement de la population, suscite une foule d'appétits,  mutuelles, assureurs, pharmaciens, labos, etc, surveillent de près ce gros gâteau… La décision du gouvernement d'enterrer le projet de création d'une cinquième branche de l'assurance maladie, au profit du système “partenariat public-privé”  n'arrangera probablement pas les choses. Tout cela est-il bien moral? Ma foi j'ai des doutes..

http://www.rue89.com/2010/02/22/quand-les-pharmacies-proposent-un-suivi-medical-payant-139091

http://www.pharmaciengiphar.com/-Les-services-de-la-SA-Cooperative-.html