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Dans les embouteillages (1er épisode)

Publié le 30 août 2010 par Ctrltab

Dans les embouteillages (1er épisode)

Cinq jours, ça fait cinq jours que je poireaute dans cette caisse. Ma voiture est devenue ma maison, mon voyage s’est immobilisé sur place. Nous ne sommes plus qu’une longue file de voisins à palier aux quatre roues non motrices.

Tu avais un enterrement ? Ah tant pis, pour toi, ça fait longtemps que ton mort est passé de l’autre côté mais pendant ces jours d’attente, sans queue ni tête, sans espoir ni événement, peut-être goûteras-tu davantage à son interminable –et ennuyeuse ?- quiétude. Moi, je goûte la fadeur. Je mâche et remâche ces heures creuses et statistiques qui m’initient à ma vieillesse future.

Au début, je téléphonais non stop pour maintenir le cordon ombilical avec l’extérieur. Et puis, mon portable s’est inévitablement déchargé. J’en ai vite eu assez de faire vrombir le moteur et de respirer les vapeurs du pot d’échappement pour quelques minutes grappillées avec un monde libre et nomade auquel, à l’évidence, je n’appartiens plus.

Je suis la victime d’un état de siège dont je suis moi-même l’assaillant. Ma faute ? Faire partie du nombre. Pris de mégalomanie –ou de paranoïa ?-, je me demande parfois même si je ne fus pas précisément ce grain de sable qui fit déborder le vase ou plutôt en l’occurrence qui le boucha.

Au début encore, je cherchais à m’occuper. Non sans joie,  j’ai enfin pu réviser ma voiture de A à Z. Avec un plaisir malicieux, je m’apprêtais à endosser le rôle d’une virile Pénélope garagiste et à tromper mon attente en démontant et remontant tous les jours ma caisse. Pas de bol, les autorités ont vu cerné mon petit ménage et m’ont empêché toute nouvelle tentative de bricolage en me confisquant tout bonnement mes outils. « Il est formellement interdit de bloquer la circulation qui pourrait reprendre d’un instant à l’autre. »

J’aurais pu y voir le signe d’un déblocage possible, j’y ai seulement vu la confirmation d’un blocus prolongé. Pas de bon augure si les flics commençaient à rappliquer et à faire leur loi…Alors, j’ai baissé la garde et j’ai ouvert ma voiture aux autres assaillants assiégés…


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