Rien de tout cela ne serait arrivé si j’avais eu un jeu de tarot dans ma boîte à gants. On pense gilet rétro-réfléchissant, triangle de présignalisation, roue de secours, protéger, alerter, secourir, à ce qui pourrait arriver mais jamais à son contraire : le rien, l’absence total d’accident, l’ennui.
Que faire sans un roi de pique prêt à se chamailler avec une reine de cœur, sans des atouts féroces assoiffés de conquêtes et de colonisation, sans des cartes bien disposées à tuer le temps ? Comment, tu as osé partir sans les figures de Lahire, Hector, Lancelot, Pallas, Argine, César ou Alexandre ? Eh bien, imprudent, te voilà seul désormais face à toi-même et aux autres.
La première à s’être invitée dans ma caisse fut Judith.
- Salut, je suis entrée. J’ai vu les portes ouvertes, alors me voilà !
J’ai un peu grogné pour le principe. Après tout, quelqu’un s’introduisait dans mon espace intérieur.
- Qu’est-ce qu’on s’emmerde ici ! Dommage que vous ne puissiez plus faire votre spectacle, on s’amusait bien.
- Hein ?
- Vous savez bien, votre show de mécanique ! C’était passionnant, le mythe de Sisyphe version moteur à combustion interne. C’est vrai, maintenant, il faut marcher des kilomètres pour avoir la chance de voir la scène de ménage de la voiture jaune ou assister à la partie d’échec du bus Suzanne… Et encore, peut-être n’est-ce que du mythe urbain. De toute façon, le temps d’y arriver, la police vous a déjà ramené à votre poste… Ca vous dérange pas si j’enlève vos chaussures ?
- …
- Ok, vous ne dites rien, c’est donc oui. Au fait, je me présente : Judith, et vous ?
- David.
- Vous êtes toujours aussi bavard ?
- Et vous, la spécialiste du monologue ?
- Oh, ne vous vexez pas, je voulais juste vous proposer un jeu…