Le 31 août 1963 meurt à Paris Georges Braque. Il repose aujourd'hui au cimetière marin du village de Varengeville-sur-Mer (Seine-Maritime), où il a vécu les dernières années de sa vie dans la maison et l'atelier qu'il avait fait aménager en 1929.
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DERRIÈRE LE MIROIR, par ALBERTO GIACOMETTI
Georges Braque vient de mourir. Cette nouvelle ne provoque pour le moment, aucune résonance dans mon esprit. Georges Braque reste à cet instant aussi vivant que dans le passé, plus vivant peut-être que jamais, quelque part dans sa maison, dans son atelier, ici à Paris, ou au bord de la mer, allant, venant, d’un tableau à l’autre, fumant sa cigarette. Je me vois chez lui, l’écoutant, parlant, une tasse de café devant nous, sur la petite table comme ce fut le cas de nombreuses fois depuis 1930. Mais au même instant je pense avec nostalgie à l’époque lointaine de Montmartre que je n’ai pas vécue. Je pense aux jeunes gens qui étaient Braque, Picasso et leurs amis, je les vois dans leur vie de tous les jours et leurs peintures dites cubistes sont pour moi avant tout les documents, les reflets mêmes de cette vie de tous les jours ; elles concrétisaient pour eux l’ouverture immense et exaltante dans l’avenir et la fraîcheur immédiate sur toutes choses. Et puis cet avenir fut pour chacun un chemin solitaire et complexe.
Ce soir toute l’œuvre de Georges Braque redevient pour moi actuelle ; sorti du temps, il se situe dans l’espace. De toute œuvre, je regarde avec le plus d’intérêt, de curiosité et d’émotion les petits paysages, les natures mortes, les modestes bouquets des dernières, des toutes dernières années. Je regarde cette peinture presque timide, impondérable, cette peinture nue, d’une toute autre audace, d’une bien plus grande audace que celle des années lointaines ; peinture qui se situe pour moi à la pointe même de l’art d’aujourd’hui avec tous ses conflits.
Alberto Giacometti, Derrière le Miroir, n° 144, Maeght éditeur, 1964, in Giacometti & Maeght, 1946-1966, 2010, page 106.
Ph. angèlepaoli, juillet 2010
LE SURRÉALISME ET LA PEINTURE
Je ne puis m’empêcher de m’attendrir sur la destinée de Georges Braque. Cet homme a pris des précautions infinies. De sa tête à ses mains il me semble voir un grand sablier dont les grains ne seraient pas plus pressés que ceux qui dansent dans un rayon de soleil. Parfois le sablier se couche sur l’horizon et alors le sable ne coule plus. C’est que Braque « aime la règle qui corrige l’émotion » alors que je ne fais, moi, que nier violemment cette règle. Cette règle, où la prend-il ? Il doit encore y avoir une quelconque idée de Dieu là-dessous. C’est très joli de peindre et c’est très joli de ne pas peindre. Enfin… Braque est, à l’heure actuelle, un grand réfugié. J’ai peur, d’ici un an ou deux, de ne plus pouvoir prononcer son nom. Je me hâte.
André Breton, Le Surréalisme et la peinture, Éditions Gallimard, 1965, page 10.
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